Les critiques disent que le fait de permettre à un plus grand nombre de pays de jouer diluerait la CAN. C’est l’inverse qui s’est produit.
À l’issue de la phase de groupes, la 34ème Coupe d’Afrique des nations (CAN) de football s’est distinguée comme l’un des tournois les plus passionnants et les plus mémorables de ces dernières années. Cela a été particulièrement vrai pour les performances des meilleurs joueurs du continent sur le terrain.
En tant qu’universitaire de la communication sportive avec un accent sur le football africain, j’ai suivi ses évolutions avec intérêt, notamment la décision prise en 2019 d’augmenter le nombre d’équipes nationales dans la phase finale de 16 à 24.
Plusieurs critiques se sont élevées contre l’élargissement du tournoi. Ils soutenaient que la CAN perdait en qualité et que l’augmentation du nombre d’équipes conduirait à plusieurs matchs médiocres à un moment où l’Afrique essayait de développer son jeu. Mais l’ouverture des portes à plusieurs équipes qui auraient eu du mal à se qualifier auparavant a donné lieu à une phase de groupe à couper les souffle. Plusieurs équipes considérées comme petites ont créé la surprise face à des équipes supposées plus fortes, et une nation puissante comme le Ghana n’a pas dépassé le stade de la phase de groupe.
La décision d’élargir la compétition a eu plusieurs répercussions en dehors du terrain. Les surprises remettent également en question l’efficacité du système de classement des équipes et l’importance des joueurs vedettes qui évoluent en Europe. Les résultats ont également eu un impact spectaculaire sur les entraîneurs.
De grandes surprises
La Fifa et la Confédération africaine de football (CAF) ont toutes deux revu la formule de leurs tournois pour tenter de combler le fossé entre les pays les plus performants et les autres. Les deux organisations ont adopté un système de championnat pour les phases de qualification. Ce qui permet à un plus grand nombre de pays de disputer plusieurs matches contre les équipes les mieux classées. Les résultats peuvent être constatés lors de la CAN de cette année.
Les grandes surprises de la nouvelle composition élargie sont venues du haut de l’échelle. Quatre des six équipes les mieux classées – la Côte d’Ivoire (8), l’Égypte (5), l’Algérie (4) et la Tunisie (3) – n’ont pas terminé en tête de leur groupe de quatre équipes. Pire, l’Algérie et la Tunisie ont été éliminées du tournoi. Le Ghana (11), quadruple champion du monde, est lui aussi renvoyé à la maison.
Le Cap-Vert (14) et l’Angola (28) ont quant à eux terminé en tête de leur groupe alors qu’ils étaient classés troisièmes. L’une des plus grandes surprises a été la victoire de la Mauritanie, autrefois l’une des équipes les plus mal classées d’Afrique, sur l’Algérie, ce qui lui permet d’accéder à la phase à élimination directe.
Les classements dévoilés
L’analyse des résultats de ce tournoi, mais aussi de la CAN précédente, il y a deux ans, et des éliminatoires de la Coupe du monde en cours, montre qu’il ne faut pas se fier au classement des équipes africaines pour déterminer leur potentiel de réussite. De nombreuses équipes sont plus proches les unes des autres que ne le reflètent les classements.
La CAF utilise les classements pour estimer la force relative des équipes et effectuer la tirage pour la composition des groupes du tournoi. En d’autres termes, les équipes africaines les mieux classées, plus le pays hôte, sont séparées, dans des groupes distincts, lors de la CAN. Mais les résultats n’ont pas confirmé l’idée que les classements permettent de prédire quelle sera la meilleure équipe dans chaque groupe.
Joueurs vedettes
L’idée que les équipes africaines dont les joueurs vedettes évoluent dans les meilleurs clubs d’Europe seront victorieuses par rapport aux équipes qui n’ont pas de tels joueurs est un autre mythe régulièrement démenti par les résultats des matches.
La Namibie, dont la plupart des joueurs évoluent dans des ligues africaines, a battu la Tunisie, très bien classée, avec un effectif comprenant des joueurs évoluant dans des clubs européens de premier plan. La Mauritanie, avec sept joueurs évoluant localement en Mauritanie et quelques autres jouant au Moyen-Orient, a battu l’Algérie, dont les joueurs évoluent dans les meilleurs clubs européens.
Les joueurs talentueux ne jouent pas seulement en Europe – ils peuvent être trouvés sur le continent et dans diverses régions en Afrique.
Impact sur les entraîneurs
Il y a encore quelques années, la plupart des équipes nationales africaines avaient des entraîneurs étrangers. Aujourd’hui, la moitié des équipes présentes à la CAN de cette année sont dirigées par des entraîneurs locaux. Plusieurs de ces entraîneurs ont obtenu de bons résultats dans le tournoi. On pense notamment au Marocain Walid Regragui et au Sénégalais Aliou Cissé.
Les vainqueurs surprises de la phase de groupe sont la Guinée équatoriale, dirigée par un technicien local, Juan Micha, et le Cap-vert, dirigé par l’entraîneur local Bubista. La seule équipe sortie première de son groupe et dirigée par un entraîneur étranger a été l’Angola, entraînée par le Portugais Pedro Soares Gonçalves. Ce qui est clair, c’est qu’un entraîneur étranger ne garantit pas le succès – et le nombre de jeunes entraîneurs locaux ayant l’expertise nécessaire pour diriger les équipes nationales africaines vers le succès est en augmentation.
Bien entendu, les surprises notées en phase de groupe ont également entraîné le départ de plusieurs managers. Le Ghana, la Côte d’Ivoire, l’Algérie et la Gambie ont déjà décidé de limoger leurs entraîneurs. Le Français Jean-Louis Gasset, de la Côte d’Ivoire, s’est dit soulagé même si son équipe avait encore une chance mathématique d’accéder au deuxième tour. La population était à juste titre mécontente après deux défaites successives, dont une humiliante (0-4) face à la Guinée équatoriale, classée au 18e rang africain. La Côte d’Ivoire a été classée 8e ce mois-ci par la Fifa.
La phase de groupe – et l’engouement qu’elle suscite sur tout le continent – a justifié la décision de la CAF d’étendre le tournoi et d’offrir à un plus grand nombre d’équipes africaines l’occasion de participer à des compétitions internationales. Si la tendance se confirme, le football africain arrivera à maturité.
Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.