Au Kenya, les éleveurs de bétail exhortent le gouvernement à autoriser l’importation de plantes génétiquement modifiées. Ils estiment que cela permettrait de réduire leurs coûts de production et de sortir de la crise.
Durant les derniers mois, les prix des aliments pour animaux, d’origine kényane, continuent de grimper au-delà des seuils tolérables pour plusieurs entreprises d’élevage d’animaux. Chaque semaine, plusieurs éleveurs préfèrent déposer le bilan.
Et ceux qui résistent se verraient bien changer leur façon de travailler. Si elles sont pour le moment interdites, les semences génétiquement modifiées (OGM), qui peuvent être utilisées pour nourrir les animaux, sont relativement bon marché et facilement accessible sur les marchés internationaux.
Les éleveurs de bétail au Kenya estiment que leur secteur d’activités peut encore se relever. Mais pour ce faire, ils estiment que des mesures doivent être prises en faveur de la levée de l’interdiction d’importer des OGM. Les syndicats d’éleveurs assurent qu’il serait facile d’importer des OGM en provenance de pays ayant des excédents de soja, de maïs et de coton Bacillus thuringiensis (coton Bt).
Depuis plusieurs semaines, le sujet fait la une des médias. Les agriculteurs et différents acteurs de l’industrie de l’alimentation animale profitent des tribunes qui leur sont offertes pour demander l’abrogation de l’interdiction d’importer des OGM.
« Au Kenya, les éleveurs de bétail craignent un futur sombre suite à la pénurie d’aliments pour le bétail. Cette situation a fait grimper de façon exorbitante les coûts d’élevage de bétail dans le pays et ralenti la production », estime l’ONG International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAAA).
Zach Munyambu, aviculteur de la ville de Kiambu, dans la banlieue de Nairobi, indiquait il y a quelques jours au quotidien The Star que de nombreux aviculteurs sont en cessation de paiement en raison du coût élevé de la nourriture animale. Munyambu prend l’exemple du sac de 70 kilogrammes d’éleusine — une plante cultivée comme céréale secondaire —, qui coûtait autrefois 22 dollars. Désormais, il est vendu 29 dollars. Soit une augmentation de près de 30 %.
En 2012, le gouvernement kenyan a décrété l’interdiction d’importer tous les aliments génétiquement modifiés dans le pays. Le texte — la loi Biosafety Act —, toujours en vigueur, a été voté en novembre 2012 et faisait suite à la publication d’une étude de Gilles-Eric Séralini. Le biologiste français établissait le lien entre les OGM de maïs de l’entreprise américaine Monsanto et le cancer, après une étude effectuée sur des rats de laboratoire. L’étude a cependant été sujette à polémique, après plusieurs autres études commandées par l’Union européenne (UE).
Des facilités douanières pour les importations de céréales
L’association des fabricants de nourriture animale du Kenya (Akefema), premier représentant des fabricants d’aliments pour animaux du pays, demande une révision du Biosafety Act. Sans succès pour le moment.
Le secrétaire général de l’Akefema, Martin Kinoti, demande au gouvernement d’agir rapidement. En août dernier, des producteurs d’aliments pour le bétail ont lancé une première pétition pour demander au parlement kényan la levée de l’interdiction des produits OGM.
Selon Business Daily, l’augmentation des coûts de fabrication des aliments pour animaux a provoqué les faillites d’une vingtaine de fabricants de nourriture animale.
Plus tôt en 2021, l’Akefema avait affirmé que le prix du soja, un ingrédient essentiel dans la fabrication de la nourriture animale, avait grimpé de 57 % en seulement quelques mois. L’Akefema estime que cela a eu pour conséquence une augmentation d’au moins 100 shillings (0,88 dollar) par kilogramme de nourriture pour animaux.
Les effets se sont faits ressentir dans plusieurs domaines : les produits carnés ou encore les œufs ont vu leurs prix grimper. Les bénéfices pour les producteurs de viande porcine sont, eux, passés de 70 % à 35 %, selon l’ISAAA.
En décembre 2021, en réponse à la hausse des coûts de la nourriture pour animaux, le gouvernement a annoncé qu’il accorderait des exemptions douanières sur les ingrédients alimentaires non génétiquement modifiés . Des exemptions ont été accordées à 18 importateurs pour le maïs jaune, la farine de soja, le soja, le tourteau de coton, les graines de tournesol, le sorgho blanc ou encore la farine de poisson.
Mais les experts kenyans estiment que ces dérogations n’ont pas permis de faire baisser de manière significative les prix des aliments pour animaux, notamment à cause de l’offre mondiale limitée d’ingrédients alimentaires non génétiquement modifiés.
De leur côté, les fabricants d’aliments pour animaux et l’Autorité nationale de biosécurité (NBA) estiment qu’il n’existe aucune base scientifique qui permette de justifier le maintien de l’interdiction des OGM au Kenya.