En pleine action militaire, les forces françaises de Barkhane ont bombardé et tué deux responsables de l’Azawad, dont un membre du Comité de suivi de l’Accord de paix d’Alger.
Samedi dernier, une attaque de Barkhane, dans le nord-est malien, a fait deux victimes. La première, Eghlass Ag Babaye, est membre du Comité de suivi de l’accord de paix, entre Bamako et le Mouvement national de libération de l’Azawad. L’autre victime est un jeune de 16 ans. Les deux victimes du bombardement français étaient sur la route vers Kidal. Ag Babaye se déplaçait à Tinzawatène pour préparer le congrès du Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA).
Une attaque que le HCUA et la CMA condamnent et décrivent comme un « assassinat extrajudiciaire ». Pour rappel, le HCUA est l’organe responsable du cessez-le-feu entre les Touaregs dans l’est malien. Une région impénétrable pour les troupes françaises depuis le début des revendications indépendantistes des Touaregs au Mali en 2012.
La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), elle, est la plateforme qui rassemble les groupes armés de l’Azawad. En 2015, la CMA avait signé l’Accord d’Alger, un accord de paix négocié par les services de renseignement algériens.
Si les escarmouches ont continué entre les Français et une partie des Touaregs de la région, notamment entre Gao et Kidal, entre Bamako et l’Azawad, la paix tient pour le moment. D’autant plus que, depuis la prise du pouvoir d’Assimi Goïta, le CMA a été représenté à chaque évènement politique, et les responsables ont été reçus par le président de la transition à plusieurs reprises.
Une semaine plus tôt, sept combattants du HCUA ont également été assassinés par des hommes armés à Gao. Des assassinats imputés aux « terroristes de Daech » selon un ancien membre fondateur du CMA, Abdoul Karim Ag Matafa.
Un bombardement qui menace la paix au Mali
Les assises nationales de la refondation devaient cimenter la paix entre Bamako et l’est malien, entre le 27 et le 30 décembre prochains. Un autre processus de paix mis à mal par le bombardement français. En effet, le HCUA était, depuis avril, en train de fixer les modalités d’une paix entre le CMA et trois groupes touaregs dissidents.
Du côté de l’état-major français, il reconnaît qu’une frappe de Barkhane « a bien eu lieu » samedi dernier. L’armée française accuse cependant les deux victimes d’être des « proches de Sidane Ag Hitta », un lieutenant du groupe terroriste d’Iyad Ag Ghali, le Jnim.
Paris précise aussi que l’assassinat était le fruit d’une confrontation entre les deux victimes et des troupes françaises au sol. Un récit réfuté par le HCUA. « On ne sait pas si c’est un drone ou autre chose, mais c’était une frappe aérienne. Le véhicule et les corps étaient complètement calcinés », a déclaré Almou Ag Mohamed, le porte-parole du groupe.
Pour rappel, l’aviation de Barkhane est accusée de deux massacres de civils cette année, dont le bombardement d’un mariage et celui d’un groupe d’adolescents. Deux crimes documentés par l’ONU, et que le gouvernement français nie encore. Aussi, Barkhane avait bombardé des membres de groupes armés dans le cercle de Niono en juin, ce qui a mis fin à l’accord de paix de Niono, entre l’armée malienne, les chasseurs Dozos, et les groupes terroristes.
Assimi Goïta fragilisé ?
Un contexte qui risque de compliquer davantage la transition malienne, dont le gouvernement dit ne pas pouvoir tenir les échéances électorales.
De son côté, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), réunie à Abuja la semaine dernière, insiste sur le maintien de l’élection du 27 février 2022.
Une situation compliquée pour le président du Mali Assimi Goïta et son Premier ministre, Choguel Maïga. Le bras-de-fer opposant le Mali à la Cedeao s’est traduit en de nombreuses sanctions, dont les Touaregs de l’Azawad ont subi une partie pour leur soutien de la paix dans le pays.
Goïta a promis de fournir un chronogramme détaillé pour la transition à la fin de janvier. Mais cette feuille de route devait être décidée lors des assises nationales de la refondation. Le fait que des chefs Touareg se fassent tuer, donc, complique un peu plus les choses pour Bamako.