Les pourparlers entre les représentants de la Libye, tenus à Genève entre lundi et vendredi, ont échoué. Selon les délégués, cet échec relève de « l’incompétence de l’ONU ».
Alors que le Forum sur les élections en Libye présageait un large accord entre ses membres. Il semblerait que ces derniers se soient divisés à la fin des pourparlers sur le rôle de la MANUL dans l’organisation des élections. En effet, les discussions du forum, rassemblaient 74 délégués, ainsi que Raisedon Zenenga représentant l’ONU. Elles ont tourné au vinaigre lorsque ce dernier avait suggéré que la MANUL prenne en charge la logistique des élections, à la place du gouvernement.
Cette modalité avait été proposée par le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah lors du Sommet de « Berlin 2 ». Et il semblerait que l’ONU ait pris acte de la préconisation de Dbeibah. Toutefois, cette carte blanche du GNU pour Jan Kubiš n’était pas au gout des membres du Forum. Dont une majorité a signé un communiqué qui qualifie cette proposition d’enfreinte à la souveraineté de la Libye.
L’avocate et présidente des Avocats pour la Justice en Libye (LFJL), Elham Saudi, a commandé la charge des délégués. Elle a déclaré : « Cette issue du Forum n’est pas celle que nous avions espéré. Cependant, c’est probablement le meilleur résultat. La MANUL a montré son incapacité à organiser ces discussions ». Avant de continuer : « C’est une preuve de l’incompétence de l’ONU. La MANUL devrait réfléchir profondément à son rôle dans tout ce qui s’est passé en Libye ».
هذا يؤخر المعركة فقط ، لكنه لا يحل المشاكل.
دعونا نأمل أن هذا التوقف يمنح البعثة @UNSMILibya المكان والزمان للتفكير في دورها في كل ما حدث.
ودعونا نأمل أن نحن ال 75 نتذكر ما هي مهمتنا بموجب خارطة الطريق وخلاصات #مؤتمر_برلين وقرار #مجلس_الأمن 2570.
— Elham Saudi (@Elham_LFJL) July 2, 2021
Le Forum libyen s’oppose aux anciennes puissances nationales, et aux nouvelles puissances internationales
Le rôle du Forum était de délibérer sur les détails des élections du 24 décembre. Au vu du cours des discussions, l’assemblée était proche d’opter pour une élection directe du président, couplée par des élections régionales des députés. On pourrait relever que ces choix, qui dirigent naturellement les élections vers le choix populaire universel, ainsi qu’un régime présidentiel, ne conviendraient pas aux acteurs les plus prépondérants sur la scène libyenne actuellement.
Ce qui reviendrait à dire que Dbeibah, Al-Manfi et ses adjoints, Haftar et Bachagha devront jouer effectivement le jeu électoral. Un choix qui serait difficile pour plusieurs de ces personnes, qui s’appuient sur la puissance militaire et le soutien étranger pour légitimer leurs positions.
Or, selon Elham Saudi : « Les Libyens méritent des élections justes, qui n’octroient pas de la légitimité aux personnes impliquées dans des crimes de guerre. Ou dans des enfreintes aux droits de l’homme. Les élections ne devraient pas permettre une victoire de ceux qui s’imposent avec des milices armées. C’est la recette d’une nouvelle guerre civile ».
Ce round de discussions à Genève s’est donc conclu sur le refus catégorique des délégués d’appuyer la feuille de route de Jan Kubiš. Dans leur communiqué, les délégués n’excluent pas, cependant, d’autres pourparlers. Ils assurent aussi que la plupart des initiatives internationales du Sommet de Berlin, ainsi que les décisions du Conseil de sécurité de l’ONU, seraient respectées. Ils seraient, toutefois, contre l’ultimatum de l’ONU.
L’ONU en Libye, une aide nécessaire, mais conditionnée
Du côté de l’ONU, Zenenga a déclaré : « Le peuple libyen se sentira certainement déçu. Car il aspire toujours à l’opportunité d’exercer ses droits démocratiques lors des élections du 24 décembre ». Il a aussi mis en doute la crédibilité du Forum de dialogue libyen. Et a aussi affirmé : « Je vous encourage à continuer à vous consulter pour trouver un compromis viable ».
Cependant, c’est justement l’ONU qui ne fait pas de compromis. Ni sur la date des élections, ni sur le vote indirect, ni sur l’organisation du scrutin. Si les délégués refusent aujourd’hui de jouer le jeu de l’ONU, c’est justement pour éviter l’influence étrangère. En effet, malgré la crédibilité de l’ONU, un scrutin organisé par la MANUL donnerait un avantage direct à toute coalition dirigée par le Premier ministre Dbeibah.
Le fait que l’ONU ait un parti pris dans la politique libyenne, bien que contre nature, serait dangereux dans un contexte électoral. Et les refus successifs de l’ONU d’inclure les intervenants africains dans la médiation entre les parties libyennes est hautement critiqué. Que ce soit par le pouvoir algérien, ou les dix pays formant la commission de l’Union africaine sur la Libye. Cette dernière, présidée par Denis Sassou-N’Guesso, a exprimé moult fois que son mandat est plus éminent que celui des autres instances internationales.
Pourtant, l’Union européenne, l’ONU, la Russie, les Etats-Unis et la Turquie se sont accaparés le dossier libyen. Et les parties occidentales veulent maintenant choisir le régime futur du gouvernement libyen, et organiser directement le scrutin. Tout en appuyant certains dirigeants à l’insu de la volonté populaire.
Devant le refus catégorique des délégués du Forum libyen d’obéir aux ordres de l’ONU, Jan Kubiš serait-il prêt à faire des concessions ? Et, surtout, les élections pourraient-elles avoir lieu le 24 décembre ?