Depuis le 15 janvier, les Tunisiens sont invités à répondre à des questions et à participer au projet de rédaction de la future Constitution.
« Quelles sont les solutions pour réduire le chômage ? » « Quel mode de scrutin pour les législatives ? » « Quelles sont les réformes à entreprendre ? » Depuis le 15 janvier dernier, les Tunisiens sont invités à se prononcer sur l’avenir de leur pays. Des questions parfois techniques, souvent orientées. Selon la présidence de la République, les résultats de cette consultation seront intégrés à la Constitution, actuellement en projet.
Pour y participer, les Tunisiens n’ont qu’à inscrire, sur la plateforme E-istichara, leur numéro de pièce d’identité. Débute alors une série de questions en arabe ou en français. Il y est question de vie politique, d’économie, de social, de santé ou même d’environnement et de transition numérique. Les participants ont jusqu’au 20 mars prochain pour répondre aux questions posées par la présidence.
Une démocratie participative ?
Des questions fermées, mais également des espaces de libre expression. Les Tunisiens peuvent ainsi écrire l’avenir de leur pays sans restrictions. Une façon comme une autre, pour Kaïs Saïed, le président tunisien, de mettre en place sa démocratie participative à laquelle il aspire depuis son arrivée au pouvoir en 2019, et plus encore depuis le 25 juillet dernier.
Un mécanisme « non-conventionnel », selon les mots de la présidence, qui a déjà enregistré un certain succès. Lors des quatre premiers jours de la consultation, pas moins de 45 000 Tunisiens se sont rués sur la plateforme pour tenter d’influer sur le processus d’écriture de la Constitution.
Et donc la consultation nationale via https://t.co/g4XBzi9qKm est officiellement lancé et la plateforme est en Ar/Fr/En au choix et permet aussi aux Tunisiens à l’étranger de s’inscrire via sms… pic.twitter.com/nvsYDkezTq
— Olfa (@Mimouna) January 15, 2022
Mais que se passera-t-il ensuite ? Le comité de constitutionnalistes qui s’est déjà attelé à réécrire les textes prendra-t-il vraiment l’avis du peuple en compte ? Au vu des questions, notamment de celle sur le régime qui aurait la préférence des citoyens, Kaïs Saïed cherche à bousculer l’ordre établi. Nul doute qu’il espère que les Tunisiens, surtout les plus déçus par l’expérience récente du régime semi-présidentiel, lui diront qu’ils préfèrent un régime présidentiel.
Près de la moitié de la population exclue ?
Surtout, Kaïs Saïed met en place les bases d’une démocratie directe. Mais finalement pas ouverte à tous. Le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) indique que 45 % de la population n’a pas accès à internet et qu’il sera difficile pour Saïed de faire l’unanimité. Une autre partie du peuple n’a pas forcément accès à la lecture et à l’écriture.
En Tunisie, des internautes — et l’ONG I-Watch —déplorent également le fait que cette plateforme n’est qu’un moyen d’obtenir les données personnelles des participants, mais aussi le manque de transparence quant aux résultats et statistiques qui sortiront du questionnaire.
Enfin, d’autres membres de la société civile estiment que la consultation n’aborde pas toutes les questions indispensables. Parmi les doléances de certains, l’absence de consultation sur l’organisation future des forces de l’ordre, ou encore le déséquilibre entre le vote des Tunisiens à l’étranger et leur influence sur l’économie nationale. En réalité, la société civile estime que le président de la République ne cherche, par cette consultation, qu’à asseoir ses ambitions. Le message de clôture de la consultation n’est d’ailleurs pas anodin : « Votre opinion, notre décision ».