Supprimé en 2019, le poste de Premier ministre sénégalais sera bientôt rétabli par Macky Sall, qui estime qu’il s’agit là de la solution idéale pour lancer de nouvelles réformes.
Moins de deux ans après avoir supprimé le poste de Premier ministre, le président sénégalais rétropédale. Au moment d’annoncer, en mai 2019, sa réforme, Macky Sall avait avancé la culture du résultat comme argument. « Quand on aspire à l’émergence et qu’on est tenu par l’impératif du résultat, l’urgence des tâches à accomplir requiert de la diligence dans le travail », expliquait le chef de l’Etat qui résumait ainsi son nouveau rôle d’hyper-président : « Ce qui doit être fait aujourd’hui ne peut être remis à demain ».
Force est de constater que les arguments avancés par le président sénégalais, s’ils pouvaient être entendus, n’ont pas suffi à convaincre. Et le chef de l’Etat en est le premier convaincu : supprimer le poste n’était pas la meilleure chose à faire.
Macky Sall sur les pas de Léopold Sédar Senghor
Un épisode qui n’est pas sans rappeler la valse-hésitation de Léopold Sédar Senghor au début des années 1960. C’est via un référendum, en 1963, que l’ex-président sénégalais avait supprimé le poste de président du Conseil — qui équivaut au Premier ministre d’aujourd’hui — avec les mêmes arguments que Macky Sall : rendre à l’Etat une capacité de diriger sans risquer de blocage. Sept ans plus tard, Senghor avait organisé un nouveau référendum, cette fois pour rétablir le chef du gouvernement.
L’idée initiale de Macky Sall avait pourtant le mérite de poser la question de la légitimité du Premier ministre, une invention franco-britannique. Or, estiment les chercheurs Aboubakr Tandia et Amy Niang, au Sénégal comme ailleurs, « les équipes gouvernementales sont échafaudées et remaniées sur la base d’interprétations politiciennes des performances électorales, suivant donc une logique de récompenses et de sanctions de collaborateurs et alliés ».
En supprimant le poste de Premier ministre, soutenu par les députés, donc, Macky Sall espérait accélérer les réformes, ce qu’il réussit dans une certaine mesure. Lors de sa tournée de juin, le président sénégalais avait inauguré une vague de projets. Toutefois, Macky Sall envisageait également une gouvernance non liée au dit système de récompenses. Il cherchait aussi à ce que les luttes intestines au sein du parti au pouvoir ne prennent pas le dessus sur la chose publique.
Objectif : accélérer les réformes
Cependant, les échéances qui attendent le président sénégalais nécessitaient une véritable réflexion sur le sujet : difficile en effet pour Macky Sall de prendre la présidence de l’Union africaine en 2022 tout en gérant seul les affaires quotidiennes de l’Etat sénégalais.
Selon nos informations, le retour du poste de Premier ministre ne sera effectif qu’après les élections municipales de janvier. Plusieurs noms sont évoqués pour prendre la primature : les médias citent par exemple Amadou Ba, ex-ministre de l’Economie et des Finances, et des Affaires étrangères, mais aussi Amadou Hott, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération internationale.
Reste que ce choix est aujourd’hui plus que symbolique : le Sénégal est confronté à une crise sociale importante, notamment liée au coût de la vie. De plus, le Premier ministre reste, pour les populations, le numéro 2 de l’Etat. Une façon de tester un potentiel successeur pour la prochaine présidentielle ? Avant de penser à l’élection à venir, de grands défis attendent le futur Premier ministre, qui aura de nombreux dossiers prioritaires à gérer.