Le parlement sierra-léonais a voté ce vendredi l’abolition de la peine de mort, à peine deux jours après la présentation d’un projet de loi sur l’égalité des genres. Une opération séduction envers les instances internationales ?
Depuis le début du mandat de Julius Maada Bio, la Sierra Leone a été secouée par de nombreux scandales de corruption. Les médias ont tour à tour accusé la Première dame et au moins sept ministres de détournement de fonds publics. Des affaires qui ont pénalisé l’Etat, dépendant des aides internationales. Depuis ces affaires, les donations étrangères, surtout américaines, ont d’abord diminué, avant d’être stoppées. Un coup dur pour la Sierra Leone, en pleine crise économique engendrée par la pandémie de la Covid-19. Les finances sierra-léonaises au plus bas, l’administration Maada Bio vivote depuis 2019. Mais le gouvernement a décidé de passer la seconde.
Lire : En Sierra Leone, corruption à tous les étages ?
L’idée du gouvernement, donc, afin de mettre fin à la mauvaise publicité due aux affaires de détournement est de concentrer sur une série de réformes sociales sur des thématiques qui, clairement, plaisent à la communauté internationale. Au-delà de la sécession du marché du poisson aux investisseurs chinois et de la tentative de gestion — mitigée — des catastrophes naturelles, le président n’a actuellement rien à se mettre sous la dent. Or, la Sierra Leone a besoin de financements. Or, il s’agit de l’un des pays plus pauvres du monde. Avant d’engranger de nouvelles aides, le pays se devait de retrouver une virginité dans les médias internationaux, qui n’ont pas été tendres ces derniers mois.
La Sierra-Léone est un beau pays, résilient et propre. Freetown la capitale construite sur des collines qui bordent l'Atlantique est entourée de bras de mers qui forment des lagunes avec de belles plages.Les axes principaux du pays sont bitumés et bien entretenus.Un beau travail!
— Bah Oury (@bahourykigna) July 19, 2021
Sans acquis sociaux, point de financements étrangers
Une opération de communication qui a porté ses fruits : les réformes sociales majeures décidées par le président sierra-léonais ont totalement effacé la mauvaise réputation de l’administration de Julius Maada Bio. Que ce soit le projet de loi sur l’autonomisation des femmes ou la motion votée hier pour mettre fin à la peine de mort, la Sierra Leone serait devenue un modèle de progressisme.
Reste à savoir si le FMI, la Banque mondiale ou les instances africaines seront sensibles à cette nouvelle image de la Sierra Leone. Depuis plusieurs décennies, malgré une présence quasi permanente des Nations unies dans le pays, les bailleurs internationaux se sont montrés réticents à soutenir le pouvoir. « Les projets de l’Etat ne sont jamais allés au-delà des aspects techniques de la réduction de la pauvreté et du renforcement des institutions », disait déjà International Crisis Group (ICG) en 2008.
Or, les acquis sociaux servent beaucoup aux agences d’aide gouvernementales pour justifier les investissements en Afrique en général.
Sierra Leone staunchly supports institutional reforms of ECOWAS Commission – says president Bio https://t.co/0UKwuQcuwL
— ABDUL RASHID THOMAS (@ARASHIDTHOMAS) June 19, 2021
Plaire aux Etats-Unis
La position géographique et la composition socio-ethnique de la Sierra Leone est remarquable : le pays se trouve à mi-chemin entre des pays conservateurs au nord, comme le Sénégal, le Mali et les deux Guinée, et des pays plus progressistes, comme la Côte d’Ivoire, le Ghana et le Liberia voisin. Ce qui est marquant, c’est qu’avant cette série de lois, les puissances occidentales se s’intéressaient quasiment pas à l’essor politico-diplomatique de la Sierra Leone.
En Afrique, les Etats-Unis exercent une pression discrète sur le Ghana, le Nigéria et le Libéria. La Sierra Leone est également dans la ligne de mire de la Maison-Blanche. L’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) peut facilement profiter de la présence de l’ONU dans le pays. L’USAID a suspendu ses aides pendant quinze mois. Mais les votes de lois progressistes pourraient permettre à la Sierra Leone de trouver une place de choix sur l’échiquier de la diplomatie américaine en Afrique.
His Excellency President Dr Julius Maada Bio has engaged the Sierra Leone–European Union Political Dialogue at the Credential Room, bringing together senior government officials and the European Union family.#Nigeria #Sierra_Leone#USA pic.twitter.com/k5BORLxrVi
— Shout Climate Change Africa (SCCA). (@scca_official) July 20, 2021