En tant que visite non officielle, le président du Senegal aura l’occasion de rencontrer son homologue au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales.
Le Président de la République, S.E.M. @PR_Diomaye, a quitté Dakar ce matin pour se rendre en France.
A l’invitation de @gavi, l’Alliance du Vaccin, et de l’Union africaine, le Chef de l’État participera à Paris au Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales. pic.twitter.com/2SyxfJbqDN
— Présidence Sénégal (@PR_Senegal) June 19, 2024
La France suit ses voisins africains. Bassirou Diomaye Faye a choisi Paris pour son premier voyage à l’extérieur du continent. Après une élection présidentielle tumultueuse en mars, le président sénégalais a l’intention de rencontrer Emmanuel Macron jeudi 20 juin lors du Forum mondial pour la souveraineté et l’innovation vaccinales. Cette conférence de donateurs accueillera plusieurs présidents africains, notamment Paul Kagame du Rwanda ou Nana Akufo-Addo du Ghana.
Son entourage soucieux de ne pas alimenter les accusations de vassalité qui accompagnent chaque passage à l’Elysée d’un président issu des anciennes colonies françaises en Afrique, tempère qu’il ne s’agit pas d’une visite officielle, mais d’un déjeuner pour faire connaissance.
Même si elle n’est pas officielle, la rencontre entre M. Faye et Macron est significative car les liens entre le Pastef, le nouveau parti au pouvoir au Sénégal, et les autorités françaises sont marqués de méfiance.
“Le respect mutuel”
Depuis sa fondation en 2014, cette organisation se définit comme panafricaniste et a fait du rejet de la présence française au Sénégal et du franc CFA, considéré comme un instrument néocolonial, un élément clé de son programme. Après le succès à la présidentielle, le ton s’est adouci. Suite à sa promesse de « rupture », le nouveau président évoque une collaboration basée sur le « respect mutuel ». Bien qu’il y ait une nouvelle amitié, il y a des conflits tels que lorsque le premier ministre Ousmane Sonko a rencontré son allié politique Jean-Luc Mélenchon (La France insoumise) et s’est opposé directement à la politique menée par Emmanuel Macron à la mi-mai.
Lorsque le président Macron a rejeté la nouvelle doctrine africaine de l’Elysée, il a déclaré devant la première personnalité politique française venue lui rendre visite que nous avions presque cru que cela signifiait refuser tout soutien politique à des régimes autoritaires et corrompus. Ce n’est pas le cas au Sénégal.”
Paris a accepté sans réagir. Un officiel français qui préfère conserver la « leçon de démocratie » que le Sénégal a donnée lors de sa dernière séquence électorale a minimisé que le chef de parti s’est exprimé plutôt que le président Faye, qui n’a d’ailleurs ni reçu M. Mélenchon ni attaqué M. Macron.
Un conseiller proche du président Faye affirme que malgré la défiance exprimée, notre premier voyage à l’extérieur de l’Afrique sera en France. Cela démontre notre désir de renforcer les liens avec cette nation qui continue d’être un partenaire privilégié malgré le fait que nos relations doivent évoluer.
Étre “à l’écoute”
Ainsi, il n’est plus question de ressentiment mais d’apprivoisement mutuel. Les chefs d’Etats prévoient de profiter de ce « déjeuner opportun » pour « se découvrir ». L’objectif de cette première entrevue avec l’ambassadrice à Dakar, qui a auparavant rencontré une quinzaine de ministres sénégalais, sera d’être « attentive » afin de mieux engager la redéfinition de la relation bilatérale à l’Elysée.
Notre objectif est de nous assurer que notre assistance à la croissance répond aux objectifs des nouvelles autorités sénégalaises. L’Elysée explique que plusieurs questions pourraient être abordées, telles que la migration, la formation des jeunes, les visas… Ce leader du Sud soutient que la France doit être au cœur de cette nouvelle relation. Un responsable du ministère des affaires étrangères parie que si l’on réussit, l’activisme panafricaniste mortifère sera tué à la manière de Nathalie Yamb, une militante suisso-camerounaise célèbre pour ses propos incendiaires sur la France.
En Sénégal, l’objectif est de renforcer la réputation internationale du nouveau président grâce à cette rencontre importante. Il a effectué neuf voyages en Afrique en deux mois et demi et a commencé à jouer le rôle de médiateur entre les dirigeants de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et les putschistes du Sahel. Un diplomate africain pense que la France devrait soutenir ses efforts car le Sénégal est une voix écoutée qui encourage les régimes militaires à revenir sur les rails de la démocratie.
Le déjeuner pourrait inclure d’autres sujets plus sensibles, tels que l’avenir des 320 soldats français qui restent stationnés à Dakar. Malgré les fréquentes dénonciations du parti de M. Faye concernant cette présence militaire, il est possible que les deux nations parviennent à un accord sur la reconfiguration souhaitée par l’Elysée. Combien d’hommes seront autorisés à rester au Sénégal? Pour quelles tâches? Paris soutient que ces questions seront discutées dans le but d’arriver à une décision « coconstruite ».
Le désastre de Thiaroye.
Certains au Sénégal espèrent qu’il se saisira du massacre des tirailleurs à Thiaroye, malgré le fait que le président Macron a utilisé la question mémorielle comme outil de sa diplomatie africaine. Des dizaines de tirailleurs de retour à Dakar en décembre 1944 ont été exécutés par des gendarmes français et des troupes coloniales pour avoir demandé leur solde. En 2012, François Hollande avait fait un premier pas en reconnaissant le rôle de la France dans le massacre et en permettant à une commission d’historiens d’accéder à une partie des archives. Le président Faye a une relation particulière avec son grand-père qui a été un tirailleur pendant la première guerre mondiale.
Aïssata Seck, présidente de l’Association pour la mémoire et l’histoire des tirailleurs sénégalais et conseillère régionale d’Ile-de-France, a soumis une note à l’Elysée avant le déjeuner des présidents, suggérant que M. Macron pourrait aller plus loin. Il aurait la possibilité de canoniser un ancien tirailleur de Thiaroye et de graver la mention “morts pour la France” sur leurs sépultures. Cette militante souhaite que les recommandations soient mises en œuvre en décembre pour les commémorations et les excuses, mais elle est préoccupée par la situation politique française qui empêche la mise en œuvre de ces recommandations.
Il est possible qu’une visite officielle réussie se produise lors du Sommet de la francophonie qui est programmé en octobre à Villers-Cotterêts (Aisne). Il reste à déterminer dans quel cadre politique.