Bien qu’il soit signataire de traités internationaux interdisant le dumping écologique, le Kenya importe toujours de grandes quantités d’appareils électroniques en fin de vie. Des appareils qui entrent légalement dans le pays et sont dédouanés.
A Nairobi ou à Mombasa, les boutiques vendant des appareils électroniques d’occasion fleurissent un peu partout. Non loin de là, des magasins de réparation d’appareils de refroidissement ou de revente de ferraille. Un commerce d’appareils frigorifiques qui devient de plus en plus obsolète, car ceux-ci sont nocifs pour le climat et les réglementations nationales sont encore inappropriées.
En effet, le Kenya n’a pas de lois sur les déchets électroniques et n’a, de plus, pas la capacité de gérer les substances dangereuses provenant des appareils de refroidissement en fin de vie. Un projet de loi sur les déchets électroniques a bien été mis à l’étude en 2013. Mais le texte n’a finalement jamais été adopté par le parlement.
Malgré les promesses occidentales lors des différentes conférences sur le climat, et en particulier lors de la COP26, de nombreux pays développés continuent d’exporter leurs déchets électroniques vers le Kenya. Avec une technique empreinte d’hypocrisie : ces appareils arrivent avec le statut de matériel d’occasion.
Mais dans les faits, ces appareils sont des déchets électroniques. Leur exportation au Kenya contrevient à la fois à la Convention de Bâle, aux textes de l’Union européenne sur les transferts de déchets et la quasi-totalité des lois nationales des pays du G20.
Au Kenya, l’absence de volonté politique pour freiner ce commerce illégal nuit considérablement à l’environnement. Le pays est désormais le 4e pays africain importateur de déchets électroniques, après le Nigéria, le Ghana et la Côte d’ivoire, et le 12e dans le monde.
Une catastrophe climatique
« Les métaux lourds comme le mercure, le zinc, le cadmium sont nocifs lorsqu’ils entrent en contact avec le corps humain ou se diffusent dans l’eau, prévient pourtant Boniface Mbithi, PDG de WEEE Centre, une entreprise kenyane de recyclage des déchets électroniques. Lorsque les plantes absorbent de l’eau déjà contaminée par des métaux lourds et que les gens mangent ces plantes, cela provoque le cancer, des insuffisances rénales ou même des troubles mentaux ».
Ignorant les dégâts que les appareils électroniques en fin de vie peuvent causer, les ferrailleurs libèrent les gaz dans l’atmosphère au moment de récupérer les composants des appareils. Ce qui contribue à l’appauvrissement de la couche d’ozone et au réchauffement climatique, surtout lorsque l’on sait l’ampleur de ce marché au Kenya.
Bien que le Kenya soit signataire du Protocole de Montréal, un traité international visant à supprimer progressivement la production de nombreuses substances, comme que les hydrochlorofluorocarbures (HCFC) et les chlorofluorocarbures (CFC), qui sont contenues dans les appareils électroménagers en fin de vie, le pays accepte toujours de recevoir ces appareils.
Le Kenya ne dispose pas de statistiques précises sur les importations d’appareils de refroidissement, en particulier les réfrigérateurs et les climatiseurs. Le département des douanes de l’administration fiscale du Kenya avoue qu’il « n’a pas de registres spécifiques des appareils de refroidissement d’occasion entrant dans le pays, car la plupart des importations de ces appareils électroniques sont expédiées avec d’autres marchandises ».
“The people who live near the Dandora dumpsite have a saying,” “‘I don’t know when I will die, but I do know what I will die from.’”says Father Binaghi. Indeed this is a sad state to be in. #KenyaSafi @onjolo_kenya pic.twitter.com/CuRk0eaT2E
— Kenya Safi (@KenyaSafi) November 26, 2021
Déchets européens contre pots-de-vin
Une étude des Nations unies sur les mouvements transfrontaliers d’équipements électroniques et électriques usagés (UEEE) révèle que 184 tonnes de congélateurs et réfrigérateurs usagés ont été exportées illégalement des pays de l’Union européenne (UE) vers les pays d’Afrique de l’Est, dont le Kenya.
Le rapport a analysé les exportations de l’UE de réfrigérateurs, congélateurs et ordinateurs d’occasion, considérés comme des déchets, en s’appuyant sur les statistiques commerciales de la base de données COMEXT de l’UE. L’analyse a révélé que la plupart des exportations provenaient d’Allemagne et du Royaume-Uni. L’étude n’a pas appréhendé les données sur les produits électroniques exportés de manière non conventionnelle et, par conséquent, le nombre d’appareils de refroidissement pourrait être beaucoup plus élevé.
Or, ce déversement de déchets électroniques en provenance de pays développés aggrave le problème de la gestion des déchets électroniques au Kenya. A peine 1 % des 51 tonnes de déchets électroniques générés par an est correctement recyclé. Tandis que le reste est jeté dans les décharges et dans les rivières, incinéré, enterré ou récupéré par les ferrailleurs.
Dans une interview, Ayub Macharia, directeur de l’éducation environnementale au ministère kenyan de l’Environnement, affirme que « le Kenya est victime d’un mouvement illégal de déchets électroniques en provenance des pays développés ». Il a aussi soulevé la corruption rampante au sein des autorités douanières et portuaires.
Pour freiner le déversement de déchets électroniques au Kenya, Macharia a décrété une interdiction d’importer des appareils électroniques d’occasion à partir de janvier 2020. Mais l’interdiction a principalement touché les vieux téléphones portables et ordinateurs envoyés par les donateurs aux écoles. Les appareils de refroidissement et les déchets électroniques continuent, eux, d’être importés en grande quantité.