S’il dit espérer que la période de transition ne dépassera pas les 18 mois, le président du Conseil militaire de transition (CMT) du Tchad prépare la communauté internationale à un possible retard.
C’était en mai dernier. Après la prise de pouvoir de Mahamat Idriss Deby au Tchad, l’Union africaine (UA) avait été accusée d’être restée trop longtemps silencieuse. Conformément à sa charte constitutive, l’UA aurait dû condamner « des changements inconstitutionnels de gouvernement ». Mais l’organisation était finalement restée muette avant de timidement, mais « catégoriquement », indiquer « qu’aucune forme d’extension de la période de transition prolongeant la restauration de l’ordre constitutionnel ne saurait être acceptable pour l’UA ».
Mais le vœu de l’Union africaine risque de rester vain. En demandant au Conseil militaire de transition du Tchad de respecter ses engagements en termes de délais, l’UA savait qu’elle aurait du mal à se faire entendre. Et le fils du maréchal Idriss Deby a débuté une tournée promotionnelle dans les médias, dans laquelle il semble d’ores et déjà annoncer que la transition souhaitée par la communauté internationale et l’Union africaine n’aura pas lieu de sitôt.
Interrogé par Jeune Afrique, le fils de l’ancien président tchadien, qui venait d’être réélu le jour de son décès, botte d’abord en touche : « Le CMT est là pour assurer la continuité de l’Etat pendant cette période (de transition). Dans ce cadre, nous avons nommé un Premier ministre civil issu de l’opposition, Pahimi Padacké, lequel a formé un gouvernement de large ouverture au sein duquel figure un ministre d’État chargé de la Réconciliation et du Dialogue, Acheikh Ibn Oumar. La mission confiée au Premier ministre et à son gouvernement est claire : organiser un dialogue national et des élections dans 18 mois ». Pour Deby fils, « c’est à eux qu’il revient de proposer un chronogramme précis, sous le contrôle du Conseil national de transition ».
Deux conditions pour les élections
Autrement dit, tout retard dans la transition ne serait pas imputable à la junte militaire mais aux civils à la tête du gouvernement. Les militaires se sont en effet engagés, dès la formation du CMT, à organiser des « élections libres et démocratiques » à l’issue d’une transition de 18 mois. Mais cette période est en réalité renouvelable une fois. Et c’est sans doute là que le bât blesse : l’UA et les instances internationales ont demandé que cette période de transition ne soit pas renouvelée.
S’il assure que le CMT « n’a pas vocation à confisquer le pouvoir » et que sa mission « est de préserver les acquis de paix, d’unité et de souveraineté du Tchad puis, une fois les élections faites, de se retirer dans les casernes », Mahamat Idriss Deby a tenté de tempérer les ardeurs de la communauté internationale : « Notre souhait est de ne pas aller au-delà » des 18 mois, assure-t-il.
Mais pour que ce soit le cas, le président du CMT affirme que deux conditions doivent être réunies : « La première est que nous, Tchadiens, soyons capables de nous entendre pour avancer au rythme prévu, insiste-t-il. La seconde est que nos partenaires nous aident à financer le dialogue et les élections, car il est évident que le Trésor tchadien ne pourra pas supporter seul un tel coût ».
Autrement dit : il faudra que des créanciers mettent la main à la poche pour aider le Tchad à organiser une transition rapide. Dans ce cas-là, assure Deby, « les 18 mois sont à notre portée. Dans le cas contraire, ce sera très difficile ». Une réponse qui sonne comme un ultimatum, mais également comme une façon préventive de se dédouaner de tout dépassement dans les délais imposés par l’UA.