Les dernières révélations concernant l’affaire du logiciel d’espionnage israélien Pegasus embarrassent Rabat et Paris. Le Maroc est monté au créneau, la France reste prudente.
Selon le consortium de presse Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International, la monarchie marocaine et ses services secrets auraient utilisé le logiciel israélien Pegasus afin d’espionner plus de 10 000 téléphones. Parmi les personnes ciblées se trouve notamment le président français Emmanuel Macron. « Si ces faits sont avérés, ils sont très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations », a promis le chef de l’Etat qui a réuni, jeudi, un Conseil de défense exceptionnel sur la cybersécurité.
De son côté, la diplomatie du royaume chérifien nie toute implication. Si bien que l’avocat du royaume a saisi la justice contre Forbidden Stories et Amnesty International… en France. Au Maroc, Nasser Bourita, le diplomate préféré de Mohammed VI, a crié au complot : « Certains titres syndiqués au sein de ce consortium servent des agendas bien connus pour leur hostilité primaire envers le Maroc », dit-il. Des puissances étrangères, donc, ulcérées selon le ministre « par les succès du Maroc sous le leadership de Sa Majesté le Roi Mohammed VI ».
Discrétion, prudence… et embarras
Côté français, l’ancien chef des services de renseignement de la DGSE s’est aussi exprimé sur le sujet, dans un entretien accordé à RFI. Alain Chouet s’est montré plus cynique envers le Maroc. Il dit notamment que la faute incombe à Emmanuel Macron, qui a été « d’une grande imprudence et d’une grande naïveté dans l’utilisation des moyens de communication ». Chouet met en évidence la passivité de la France après « vingt ans d’écoutes de la part de la NSA américaine ». A part une « vive protestation » contre le Maroc, l’ancien de la DGSE ne voit pas ce que cela pourrait changer dans les relations franco-marocaines.
Du côté du Maroc, les plainte contre les deux ONG devant les tribunaux parisiens semblent aussi être un pas vers la réconciliation. Bourita avait, en effet, dénoncé ce qu’il appelle « un sabotage à grande échelle ». L’avocat Olivier Baratelli a indiqué jeudi dans un communiqué avoir attaqué Amnesty et Forbidden Stories. Objectif : si l’espionnage est avéré, dédouaner le souverain chérifien. Néanmoins, Alain Chouet doute de l’hypothèse selon laquelle les services secrets marocains auraient espionné le président français sans l’accord du roi Mohammed VI.
Interrogé sur d’éventuels actes réciproques de la part des services français, l’ancien chef de la DGSE a refusé de commenter. Il affirme toutefois : « Si cela présenterait un intérêt quelconque, on a les moyens techniques de le faire ». Quant à l’impact de l’affaire Pegasus sur la diplomatie franco-marocaine, l’ex-patron de l’espionnage assure qu’il s’agit d’« une tempête dans une verre d’eau. Dans quinze jours, plus personne n’en parlera ». Outre Macron, des journalistes de Mediapart, Edwy Plenel et Lénaïg Bredoux, ont déposé plainte contre le Maroc pour espionnage. Et si Paris risque de rapidement passer à autre chose, pas sûr que le journal d’investigation laisse l’affaire être étouffée.