Samedi, le porte-parole du gouvernement tchadien, Abderaman Koulamallah, a annoncé le « redéploiement » de 600 soldats du contingent de la force du G5 Sahel. Qu’implique cette décision ?
Lorsque le contingent tchadien du G5 Sahel, comprenant 1 200 soldats, a été déployé en février, cette décision était accompagnée d’une promesse de financement de la part du président français Emmanuel Macron. Peu avant le décès d’Idriss Déby Itno, ce même contingent a été déplacé au Niger. Alors que le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) menaçait d’attaquer N’Djaména, l’aviation de Barkhane a été empêchée d’intervenir en faveur de l’ancien président tchadien, à cause de l’intervention de l’Assemblée nationale française d’un côté et de la fermeture de l’espace aérien soudanais et centrafricain de l’autre.
Depuis le décès d’Idriss Déby, les troupes tchadiennes ont réussi à arrêter l’offensive du FACT. Le Tchad, aujourd’hui en transition politique, avait réaffecté ses troupes à la zone des « Trois frontières », dans l’ouest nigérien. Cependant, le retrait de la moitié de ces forces, annoncé ce samedi 21 août, laisse penser à un changement de priorités de la part du nouveau pouvoir tchadien. Mais que cela signifie-t-il ?
France et Tchad : celui qui paie commande
La participation active du Tchad avait été conditionnée depuis le premier jour par l’ancien président. Si le pays a contribué à l’envoi de troupes au sein de la coalition sahélienne chapeautée par la France, Paris était supposé apporter une contribution financière et logistique. Une aide qui n’a pas encore été versée.
Au Tchad, la menace sécuritaire ne se limite pas au terrorisme transfrontalier. En effet, dans le sud-est, la région du lac Tchad a connu une escalade de violence. Et le Tchad, en pleine transition, manque de moyens pour assurer sa transition et, dans le même temps, organiser les élections. Pour cette raison, le chef du Conseil militaire tchadien (CMT), Mahamat Déby, a exigé une aide financière internationale : 1,5 milliard de dollars.
En partant du principe que « celui qui paie commande », la France devait donc honorer sa promesse au défunt Idriss Déby, et financer le CMT de son fils. Le redéploiement des troupes pourrait donc être une réaction directe du Tchad vis-à-vis de promesses non tenues de la part de la France.
Des forces envoyées dans des zones calmes
Actuellement, le Tchad affronte une menace dans le sud. Toutefois, Abderaman Koulamallah assure que les troupes seront redéployées dans le nord tchadien. « Il ne s’agit pas d’un retrait », affirme le porte-parole du gouvernement. Avant de poursuivre : « Il s’agit d’un redéploiement stratégique et cela n’a absolument aucune incidence sur la capacité des forces tchadiennes à jouer leur rôle de forces motrices dans la lutte contre le terrorisme ».
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Une « source militaire » affirme à des médias français que la décision aurait été « à l’étude depuis plusieurs mois ». Néanmoins, cette information est difficilement justifiable : le contingent tchadien n’est sur le terrain que depuis cinq mois, dont trois passés aux avant-postes du G5S dans le sud du Niger. Clairement, le Tchad ne s’est jamais véritablement engagé.
Pour le gouvernement tchadien, l’affectation de ces troupes en renfort dans le nord du Tchad s’expliquerait par « plusieurs colonnes de rebelles ». Or, pas plus tard qu’en juin, l’armée tchadienne affirmait avoir neutralisé la menace rebelle dans cette zone. De plus, dans son discours du 11 août, Mahamat Déby a appelé les rebelles de tous bords à participer à la transition. Une médiation serait en cours, pilotée par l’Union africaine d’un côté, et la diplomatie togolaise de l’autre.
Quant à la menace frontalière, dans le sud, le Tchad est actuellement en bons termes avec la RCA. Le peu de rebelles centrafricains qui traversent les frontières le font avec l’aval des autorités tchadiennes. L’armée du Tchad a même protégé les éléments Séléka d’Ali Darassa, risquant un incident diplomatique avec la Centrafrique. Sur le front du lac Tchad, les armées camerounaise et nigériane sont également engagées dans la lutte antiterroriste.
Peu de facteurs militaires justifieraient, donc, la décision du Tchad. N’Djaména s’attend-elle à une menace imminente dans le nord ? La Libye semble actuellement stable et rien ne dit que cela bougera dans les mois à venir.