Après le début du remplissage du Grand barrage de la renaissance (GERD) par l’Ethiopie, la Tunisie a présenté un projet de résolution au Conseil de sécurité. Il sera discuté aujourd’hui, à New York.
La tension est palpable, entre l’Egypte et le soudan d’un côté, et l’Ethiopie de l’autre. La diplomatie égyptienne a dénoncé le début de la seconde phase du remplissage du GERD par l’Ethiopie. Une décision unilatérale, qui constitue une escalade stratégique des hostilités par le gouvernement d’Abiy Ahmed.
A la lumière de l’agressivité que démontrent les pays concernés, la Tunisie a présenté une motion auprès de l’ONU. Il s’agit d’un projet de résolution, sans doute incité par l’Egypte qui essaye de temporiser le passage à l’action. En effet, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a trop souvent menacé de répliquer militairement si l’Ethiopie passait à l’acte.
Un « haut diplomate éthiopien » à New York a déclaré à Al Jazeera que le projet tunisien « saborderait efficacement la médiation dirigée par l’Union africaine ». Selon cette même source anonyme, l’Ethiopie ne pense pas que le GERD relève de la compétence de l’ONU. L’Ethiopie préfère effectivement que la pression soit menée par l’Union africaine (UE). Premièrement, l’Ethiopie est en conflit avec toutes les instances internationales. Deuxièmement, Abiy Ahmed réalise que sa liste d’alliés, diplomatiques ou autres, est réduite à la Chine, la Somalie et l’Erythrée. Et ce, contre une cohorte d’Etats qui s’opposent à son règne sanguinaire, sur fond du génocide tigréen. Troisièmement, l’Egypte a pu rallier plusieurs pays africains à sa cause. En l’occurrence, l’Ouganda, la Libye et le Soudan.
L’intrigue diplomatique autour du GERD, discutée à New York pour la seconde fois
Il est donc clair que si l’Ethiopie est sous pression, l’Egypte se trouve dans une position diplomatique plus confortable. Mais aucun des deux pays n’entretient un intérêt particulier pour le passage aux actes d’agression. L’Ethiopie escompte un manque à gagner considérable. Car si Abiy Ahmed veut maintenir sa position nationale nationaliste et ethnocentrée en Ethiopie, il doit reprendre l’élan économique de son début de mandat. Le GERD est important pour l’Ethiopie car il couvrirait ses besoins énergétiques à plus de 57% s’il est opérationnel.
Par contre, en Egypte, les eaux du Nil bleu couvrent 87% des ressources hydrauliques du pays. Elles contribuent aussi à plus de 40% des sources d’énergie renouvelable. De plus, l’Egypte traverse une crise énergétique considérable, même si elle reste moins aigüe que celle de l’Ethiopie. Donc, afin de concrétiser les revendications de part et d’autre, l’Egypte et l’Ethiopie en sont au lobbying diplomatique et à la course d’armement, parallèlement. Le Soudan, autre pays traversé par le Nil bleu, craint de devenir le champ de guerre des deux puissances régionales.
Les trois membres non permanents du Conseil de sécurité de l’ONU représentant l’Afrique sont donc les premières cibles de l’Egypte et de l’Ethiopie. La Tunisie exécute clairement un plan diplomatique pro-égyptien. La diplomatie nigérienne, quant à elle, maintient une position neutre qui convient à l’Ethiopie. Les dernières prises de contact africaines dans cette affaire ont visé le Kenya, troisième représentant africain actuel au Conseil de sécurité. Toutefois, malgré les tensions entre le président du Kenya, Uhuru Kenyatta et Abiy Ahmed, le Kenya n’irait pas jusqu’à soutenir le projet tunisien en discussion. En effet, le texte de la résolution serait trop favorable à l’Egypte et au Soudan. Il interdit, notamment, au Caire comme à Addis-Abeba de prendre des décisions unilatérales sur le remplissage des barrages du Nil.