Londres et Kigali ont signé un accord pour expulser les migrants illégaux de Grande-Bretagne vers le Rwanda, qui devient ainsi le Guantanamo du Premier ministre Boris Johnson.
Le Rwanda sera-t-il la prochaine prison à ciel ouvert de Londres ? Le Royaume-Uni est submergé par les demandes d’asile de citoyens de plusieurs nationalités. En 2021, près de 30 000 personnes ont en effet effectué la traversée de la Manche, entre la France et l’Angleterre. C’est cent fois plus que trois ans plus tôt. De quoi inquiéter les Britanniques, qui avaient décidé de financer, à hauteur de plus de 60 millions d’euros pour les années 2021 et 2022, la France, pour aider cette dernière à s’équiper dans sa « lutte contre l’immigration irrégulière » et renforcer les contrôles aux frontières.
Et alors que Paris et Londres se sont écharpés après un défaut de paiement de la part du Royaume-Uni, en octobre dernier, les autorités britanniques ont opté pour une autre solution. Plus radicale. Le Royaume-Uni vient en effet de signer avec le Rwanda un accord qui prévoit d’envoyer vers Kigali des migrants et demandeurs d’asile ayant réussi à fouler le sol britannique.
Ce jeudi, la ministre anglaise de l’Intérieur, Priti Patel, s’est rendue au Rwanda pour finaliser cet accord. L’objectif est de dissuader au maximum les migrants illégaux de franchir la Manche. Mais l’accord fait grincer des dents, notamment du côté des ONG anglaises qui parlent de l’« inhumanité » de son commanditaire, le Premier ministre Boris Johnson.
Souhaitant tenir ses engagements post-Brexit, parmi lesquels celui de faire baisser le nombre de migrants, Johnson a discuté avec plusieurs pays pouvant accepter sa proposition. Le Ghana aurait, selon la presse britannique, été approché, ce que le pays africain a immédiatement nié. Ce sera finalement le Rwanda de Paul Kagame qui sera le partenaire de Londres dans cette nouvelle politique migratoire.
Un accord contraire à la Convention de Genève pour les réfugiés
Peu scrupuleux en termes de droits humains, le Rwanda a accepté l’offre de Londres pour une somme avoisinant les 144 millions d’euros. Si Kigali « se réjouit de ce partenariat avec le Royaume-Uni pour accueillir des demandeurs d’asile et des migrants, et leur offrir des voies légales pour vivre », selon les mots du ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, l’accord a de quoi choquer.
Le Rwanda est, certes, une terre d’accueil. Ces dernières années, il a accueilli plusieurs convois de réfugiés, notamment en provenance de Libye, promettant un accès à l’éducation et à la santé aux exilés. Mais moralement, cela pose un véritable problème en matière de conditions des réfugiés en Europe. « L’Union européenne et le Royaume-Uni sous-traitent la question des migrants pour éviter d’avoir à gérer ces derniers sur leurs territoires », se désole un membre d’une ONG africaine. Et pour inciter les pays africains à devenir les sous-traitants de l’Europe, l’UE finance le bailleur de fonds du Haut-Commissariat aux Réfugiés de l’ONU.
Pour Amnesty International Royaume-Uni, cet accord avec Kigali est un « scandale », synonyme de « barbarie ». L’ONG Refugee Action estime que c’est une façon « inhumaine de traiter les personnes fuyant la persécution et la guerre ». Qu’importe, le Parlement britannique travaille actuellement sur une loi qui permettra à Londres de créer des centres de rétention à l’étranger, alors que ce texte serait contraire à la Convention de Genève pour les réfugiés, pourtant signée par le Royaume-Uni.