Le président congolais, réélu il y a trois semaines, va être investi devant un parterre de chefs d’Etat. Une cérémonie en grande pompe qui montre la popularité de Denis Sassou N’Guesso sur le continent africain.
Ce vendredi 16 avril, pas moins de seize présidents sont attendus, ainsi que les diplomates et délégations de nombreux autres pays, lors de la cérémonie d’investiture de Denis Sassou N’Guesso à Brazzaville. Un exploit au vu de la situation sanitaire. Car en période de coronavirus, difficile de réunir un parterre si prestigieux de chef d’Etat. Ouattara et Kaboré avaient réuni une dizaine de chefs d’Etat africains en décembre dernier, Mohamed Bazoum une douzaine début avril. A côté, l’investiture de Denis Sassou N’Guesso fait office de grand-messe africaine.
Pour cet événement, le président congolais a vu les choses en grand. Et la liste d’invités est aussi prestigieuse que symbolique : outre le président de l’Union africaine Félix Antoine Tshisekedi qui sera bien évidemment là, relations de bon voisinage obligent, les autres invités ont répondu présent, du président centrafricain Faustin-Archange Touadera, au Bissau-Guinéen Umaro Sissoco Embalo, en passant par le Sénégalais Macky Sall ou encore Faure Gnassignbé, président du Togo. Alassane Ouattara également, lui qui surnomme Denis Sassou N’Guesso « l’Empereur ».
Auréolé de ce soutien massif, Denis Sassou N’Guesso débute plus fort que jamais son nouveau mandat. Au-delà de la liste des invités, le président congolais recevra des visites symboliquement importantes : Idriss Déby, le président tchadien actuellement dans les petits papiers de la France pour sa participation au G5 Sahel, Alpha Condé, en froid avec Macky Sall, ou encore Mohamed Bazoum devraient tous être présents.
Une campagne réussie
Seul petit bémol : le peu de considération des pays européens. La France, par exemple, a préféré envoyer Franck Riester, ministre délégué chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, plutôt que le ministre des Affaires étrangères. Selon des sources proches du Quai d’Orsay, Jean-Yves Le Drian, qui s’était rendu à Brazzaville en octobre dernier, n’a pas souhaité effectuer un second voyage en moins de six mois. Un message fort qui illustre les relations houleuses entre Paris et Brazzaville.
Il n’empêche que le président congolais sera, lors de son nouveau mandat, un interlocuteur incontournable pour Paris. D’abord parce que le Congo-Brazzaville est l’un des rares îlots de paix et de stabilité dans la région. Ensuite dans le dossier libyen : actuel président du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, Denis Sassou N’Guesso a la confiance de ses homologues africains dans la résolution de ce dossier. Enfin, le Fonds bleu concernant l’environnement ou encore le dossier de la piraterie dans le golfe de Guinée sont autant de sujets de discussions entre Paris et Brazzaville.
Elu avec plus de 88 % des voix le mois dernier, Denis Sassou N’Guesso a montré lors de la campagne présidentielle qu’il était incontournable. Face à une opposition désorganisée et sans imagination, menée par Guy-Brice Parfait Kolélas, décédé au lendemain du scrutin, l’équipe de « DSN » a mené une campagne réussie.
Après 24 ans passés au pouvoir, et alors qu’il est âgé de 77 ans, Denis Sassou N’Guesso a pris un coup de frais en se lançant sur les réseaux sociaux. Plus de 100 000 personnes suivent désormais le chef de l’Etat sur sa page Facebook certifiée, tandis que l’on a pu suivre ses meetings sur TikTok ou encore via des streamings.
Les opposants, eux, ont eu bien du mal à exister. Et à la différence de 2016 ou des scrutins chez ses voisins africains, Denis Sassou N’Guesso a même été épargné par la presse internationale, habituellement virulente vis-à-vis du président congolais.
Dernier tour de piste ?
La cérémonie qui se prépare sonne en tout cas pour Denis Sassou N’Guesso comme un dernier tour de piste. « Après avoir voulu une investiture en petit comité il y a cinq ans, il a vu cette fois les choses en grand, résume un proche du palais présidentiel congolais. Ce n’est pas un hasard, le président semble vouloir taper fort comme s’il s’agissait de son dernier mandat ».
« DSN » se verrait en effet bien raccrocher les gants, affirment des membres de son entourage. Mais un souci de taille se pose : le président congolais n’a toujours pas trouvé son dauphin. Entre, Denis Christel Sassou N’Guesso, son fils qui se voit déjà président en 2026 mais qui risque de pâtir de sa filiation — il est né d’une mère zaïroise — et un entourage dont aucun candidat naturel ne ressort, le Parti congolais du travail (PCT) n’a, pour l’instant, aucun successeur à proposer au chef de l’Etat.
Ce dernier a encore quelques années pour former un dauphin. « Pour le moment, on voit mal qui pourrait avoir la carrure pour prendre la succession de DSN », résume un membre du parti présidentiel. Pendant ces cinq prochaines années, le défi de Denis Sassou N’Guesso sera donc titanesque : d’un côté, il devra diversifier l’économie de son pays, trop longtemps restée dépendante du pétrole. Un quinquennat placé sous le signe du développement de l’agriculture, notamment. Il devra surtout rapidement débloquer une deuxième tranche de financement dans le cadre d’un accord conclu en 2019 avec le Fonds monétaire international (FMI). Sans oublier toutes les mesures à mettre en place. Pendant ce temps, il tentera de repousser les assauts de ceux qui rêvent de prendre sa succession sans véritable projet politique. Et ce défi s’annonce encore plus délicat que celui qui l’attend avec les dossiers internes du Congo-Brazzaville.