La présidence congolaise a annoncé la signature d’un accord avec le milliardaire israélien et magnat des mines Dan Gertler. Ce dernier restituera ses précieux actifs miniers, estimés à 2 milliards de dollars, à l’Etat.
C’est un véritable coup dur pour l’homme d’affaire israélien Dan Gertler. Et une victoire symbolique pour la présidence de République démocratique du Congo (RDC). Au centre de la plupart des scandales miniers et financiers sous l’ère Kabila, sanctionné par le Trésor américain et menacé d’emprisonnement dans des dizaines de pays, Gertler a fini par accepter l’offre du Palais de la Nation, de Kinshasa.
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L’administration Tshisekedi avait proposé à l’homme d’affaires de céder les actifs de son entreprise Ventora Development — anciennement Fleurette Group — au gouvernement de la RDC contre une réconciliation judiciaire. Estimés à 2 milliards de dollars, ils seront donc désormais la propriété de l’Etat congolais, après une longue bataille, notamment médiatique. Accusé d’être à l’origine de nombreux scandales, Gertler avait, en fin d’année dernière, déploré les actions d’« individus bien connus aux motivations douteuses ». Il a finalement dû se plier aux exigences de l’administration congolaise.
L’empire de Dan Gertler contre-attaque… sans succès
Il faut dire que Gertler ne compte plus beaucoup d’alliés. Lâché par les Etats-Unis et menacé lors de son exil israélien d’être livré aux autorités américaines, l’homme d’affaires a préféré se séparer du fleuron de son empire contre une réconciliation judiciaire. S’il semble désormais difficile pour Gertler de continuer à mener ses affaires en RDC, sans l’aide précieuse de Joseph Kabila, qui s’est — momentanément ? — retiré des affaires publiques, il compte sur ce compromis avec l’Etat pour, au moins, éviter de passer par la case prison.
Dan Gertler avait pourtant tenté une opération de rachat auprès de l’opinion publique congolaise. Depuis Israël, il avait lancé son projet « Yabiso ». Il proposait alors de distribuer 30 % des gains de sa société Metalkol aux populations. Insuffisant, pour la présidence congolaise, mais également pour la société civile.
En avril dernier, le mouvement « le Congo n’est pas à vendre » (CNAPV) a publié un rapport accablant, dénonçant les malversations de Dan Gertler. Une manière pour la société civile congolaise de montrer que cette offre de Gertler n’était qu’une négociation injuste, loin d’être à la hauteur des scandales qui impliquaient l’homme d’affaires. Le CNAPV a estimé que les contrats « opaques et corrompus » de Gertler, signés avec la RDC du temps de Kabila, avaient fait perdre 1,76 milliard de dollars à l’Etat, chaque année.
Une victoire pour l’administration Tshisekedi
Sous la pression médiatique, notamment après l’enquête journalistique « Congo Files », Dan Gertler a accepté de dialoguer avec les canaux officiels. Une négociation avec l’Etat congolais qui a débuté sous la direction du chef de cabinet de Félix Tshisekedi, Guylain Nyembo, et de son adjoint chargé des affaires économiques, André Wameso.
L’offre, acceptée jeudi par Dan Gertler, consistait à ce que ce dernier cède le contrôle et la propriété du groupe Ventora Development, valorisé à hauteur de 2 milliards de dollars grâce à ses installations minières, à l’Etat congolais. Une première dans l’histoire du pays.
Après l’invalidation de ses permis d’exploitation pétrolière en juin dernier et la suspension de tous les permis miniers en novembre dernier par Félix Tshisekedi, Dan Gertler n’aurait, de toute façon, pas pu poursuivre ses activités. Dos au mur, l’Israélien a donc fini par céder.
Pour le président Tshisekedi, il s’agit d’une importante victoire, aussi bien économique que politiqueme. En effet, la nationalisation de Ventora Development permettra éventuellement de renforcer la compagnie de l’Etat, Gécamines. Cette dernière, dont le développement était au centre des promesses électorales de Félix Tshisekedi, pourra enfin afficher des ambitions dignes des richesses congolaises.
Politiquement, « Fatshi » frappe un grand coup : la perte de Ventora par Gertler est un coup dur pour le clan Kabila, qui comptait énormément sur l’influence de l’Israélien pour contrôler le secteur minier et pour faire la liaison, aussi bien avec l’Etat hébreux qu’avec les Etats-Unis.