Samuel Eto’o avait promis que cette Coupe du monde serait celle de l’Afrique. A-t-il été trop populiste, naïf ou était-il simplement dans la provocation ?
Il avait parié sur une finale Cameroun-Maroc. Samuel Eto’o, l’ancien Lion indomptable, estimait il y a quelques semaines que « les équipes africaines ont un gros potentiel, ont acquis de plus en plus d’expérience, et elles sont prêtes à remporter la Coupe du Monde ». Le nouveau patron de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) assurait même que la Tunisie, le Maroc, le Sénégal, le Cameroun et le Ghana atteindraient les huitièmes de finale de la Coupe du monde.
Un mois après ses prédictions, force est de constater que l’ex-Barcelonais s’est trompé. Le Cameroun n’a même pas passé les phases de poules, malgré une belle victoire contre le Brésil. Les Lions n’ont pas réussi à dompter la Suisse, qui leur a chipé la place. Quant à la Tunisie et au Ghana, ils n’ont pas fait mieux. Seuls le Sénégal et le Maroc ont réussi à sortir de leurs poules respectives.
Le Sénégal n’a pas marché sur l’Angleterre
Mais là encore, Eto’o s’est un peu trop avancé… Avant le match des Lions de la Teranga contre l’Angleterre, Eto’o rappelait « que l’Angleterre n’a jamais été championne d’Europe et affronte les champions d’Afrique… Je rappelle que la seule Coupe du monde qu’elle a gagnée, c’était en 1966 avec 16 équipes et un but litigieux en prolongations. Je rappelle également que, dans ce match, il y a un seul capitaine défenseur de classe mondiale et c’est Koulibaly. (…) Le Sénégal est mon favori et va marcher sur l’Angleterre ». Résultat, l’Angleterre a battu les Sénégalais… 3 à 0.
En attendant de savoir si le Maroc fera mieux contre l’Espagne et sauvera l’honneur de l’Afrique, c’est déjà l’heure du premier bilan pour le continent. Et celui-ci est négatif. De quoi contredire l’optimisme de Samuel Eto’o. Le patron du football camerounais en a-t-il trop fait ? Son discours était-il trop optimiste ou le président de la Fecafoot est-il trop naïf ?
Pour les observateurs, cet optimisme démesuré fait partie du personnage. Le journaliste et syndicaliste Adolarc Lamissia a toujours estimé que Samuel Eto’o « surfe sur un populisme émotionnel ». Il rappelle notamment la causerie d’Eto’o avec ses joueurs. Après un match contre le Burundi, il avait harangué les Lions indomptables et leur avait demandé : « Soyez heureux. Parce que quand vous êtes heureux, nous le sommes beaucoup plus ». Un « discours populiste », pour le journaliste, qui déplore la scénarisation de la scène. Pour Dieudonné Essomba, le comportement de Samuel Eto’o est « à la limite du magico-religieux ». Il y voit lui aussi une bonne dose de populisme, qui cache la mauvaise gestion de plusieurs dossiers, parmi lesquels celui de l’équipementier des Camerounais.
Un populisme qui comble des lacunes ?
Car lorsqu’il s’exprime de façon plus sereine, Samuel Eto’o semble être plus dans le vrai que dans le show ou la provocation. Dans une interview télévisée, il estimait que l’on manque de patience en Afrique et qu’« il faut plus que de l’argent, il faut avoir des idées et une vision » pour développer le football africain. Un discours bien loin de celui qui consistait à annoncer un futur champion du monde africain.
Alors pourquoi avoir de tels discours si l’on pense l’inverse ? Pour le chroniqueur camerounais Parfait Mbvoum, il s’agit là, pour Eto’o, de combler un manque de connaissances sur des dossiers un peu plus complexes qu’il n’y paraît. « L’équipe de Samuel Eto’o est en train d’aller dans le populisme. (…) Les affaires ne sont pas la célébrité. Les affaires ne sont pas une affaire d’être star. Les affaires sont les affaires. Elles ont des règles. Il faut les respecter », indique-t-il, en parlant de l’affaire Fecafoot-Le Coq sportif.
Un proche de la fédération tempère cependant les propos des uns et des autres : « Oui, Eto’o en rajoute des tonnes lorsqu’il parle. Mais c’est aussi une façon de redonner de l’espoir aux supporters », dit-il. Reste que, pour un opposant à l’ancien Lion indomptable, s’il offre des discours improbables, Eto’o devrait être plus réfléchi dans ses actes. « Il est encore naïf. On ne gère pas une fédération comme l’on gère une équipe de football ».