Ce dimanche, des manifestations ont eu lieu à Niamey contre la présence militaires française. Les militants de la société civile y voient une violation de la souveraineté du Niger.
C’est un repli qui n’a pas la cote. En juin 2021, Emmanuel Macron avait annoncé la fin de l’opération Barkhane « sous sa forme actuelle ». Il s’agissait alors, en réalité, de faire du Niger un relais essentiel de l’action de la France au Sahel au moment où les relations franco-maliennes se dégradaient. En février dernier, la ministre française des Armées, Florence Parly, s’était alors rendue au Niger pour discuter avec le président Mohamed Bazoum de « l’évolution du dispositif de Barkhane au Sahel ». Deux mois plus tard, les députés nigériens votaient en faveur d’un texte autorisant le déploiement de forces étrangères sur le territoire, particulièrement les forces françaises.
Mais ce dimanche, les populations nigériennes ont montré qu’elles n’étaient pas aussi favorables que leurs dirigeants à un déploiement des soldats français sur leur territoire. Plusieurs centaines de personnes, selon l’AFP, ont manifesté de façon pacifique dans les rues de Niamey. Au menu de la mobilisation, des slogans hostiles à la France et favorables à la Russie. « Il y a des slogans anti-français parce que nous exigeons le départ immédiat de la force Barkhane au Niger qui aliène notre souveraineté et qui est en train de déstabiliser le Sahel », a résumé à l’agence de presse française l’un des responsables du Mouvement M62, à l’origine de la manifestation, Seydou Abdoulaye.
Mohamed Bazoum, le dernier véritable allié de Paris ?
Environ 3 000 militaires français sont toujours déployés dans le Sahel. Ils se sont, en partie, repliés au Niger. Depuis son arrivée au pouvoir, le chef de l’État nigérien défend mordicus les décisions françaises au Sahel. Il avait notamment déclaré être « totalement désolé de la campagne qui est menée contre » la France et affirmait être « sûr que le jour où les Français plieront bagage à Gao (au Mali, ndlr), ce sera le chaos ! ». Il avait alors accepté de pousser ses députés à voter un texte en faveur de l’accueil des militaires français.
Pourtant, au moment de son élection, Mohamed Bazoum minimisait la menace terroriste au Niger, qu’il considérait différente du Nigeria ou du Mali. « Au Niger, ce sont juste des bandits qui rançonnent la population. Ils sont dans des stratégies de survie économique et non de conquête territoriale pour établir un califat et y administrer des musulmans. À mon avis, le Boko Haram du Niger est très différent de celui du Nigeria », assurait-il. Pourtant, selon un rapport d’Amnesty International, le contexte sécuritaire est tendu au Niger. Dans la région de Tillabéri, zone frontalière avec le Mali et le Burkina Faso, l’ONG a recensé de nombreux meurtres.
Un contexte délicat pour le président nigérien
Bazoum a donc décidé de se poser en partenaire privilégié de la France. « Avec la rapide dégradation des relations entre la France et le Mali et le coup d’État au Burkina, Niamey est aujourd’hui devenu un passage obligé pour le redéploiement militaire français », résume Idrissa Abdourahmane, chercheur nigérien au centre d’études africaines de Leiden, aux Pays-Bas.
« La position du président nigérien, aujourd’hui considéré comme l’allié privilégié de la France, est très délicate dans le contexte actuel, car les jihadistes pourraient décider de lui faire payer son engagement auprès de Paris », affirme un autre chercheur, Jean-Vincent Brisset, pour qui « une recrudescence d’attaques pourrait contribuer à accroître le sentiment antifrançais et donc potentiellement le risque de coup d’État ».
Outre les slogans hostiles à la France, les manifestants de dimanche ont d’ailleurs voulu également montrer qu’ils étaient en désaccord avec la politique de Mohamed Bazoum. Ils protestaient en effet aussi contre le coût de la vie au Niger. Il n’est pas certain que cette alliance militaire avec Paris redore le blason du président nigérien.