A l’occasion de la Journée mondiale de l’Afrique, le 25 mai, la Slovénie accueillera la 11e Conférence internationale pour l’Afrique. Objectif : mettre en œuvre les résolutions du Forum Stratégique de Bled. Un sommet de haut niveau sans participation africaine, dont l’un des objectifs est d’augmenter le budget de l’agence Frontex.
L’ironie est palpable. Chaque année, depuis 2006, la Slovénie organise un rendez-vous important pour l’Union européenne, le Forum Stratégique de Bled (BSF), dans le village touristique slovaque du même nom. Ensuite, une fois que les spécialistes de la Commission européenne ont délibéré, ils attendent, parfois des mois, la Conférence internationale pour l’Afrique, organisée également en Slovénie.
Cette dernière en sera, le 25 mai prochain, à sa onzième édition. Le programme : « Examiner les liens de collaboration entre l’Afrique et l’Europe dans la promotion de l’innovation responsable et de la gouvernance des technologies émergentes, ainsi que le rôle de la technologie dans la formation des économies créatives et culturelles ». Louable. « (…) Dans le cadre du Forum Stratégique de Bled », poursuit l’organisation Chatham House, qui s’occupe de la logistique de l’évènement.
Beaucoup moins louable, soudainement. Car parmi les suggestions qui seront discutées avec les diplomates européens présents – seuls les employés des ONG d’origine africaine ont été convié à ce 11e forum sur l’Afrique –, Il y aura l’augmentation du budget de l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (Frontex). Une proposition du think-tank britannique Centre for European Reform (CER) émise lors du dernier BSF, qui englobe un budget de 11,3 milliards de dollars pour Frontex avant 2027, le recrutement de « 10 000 garde-côtes européens », et « l’amélioration du piètre bilan (de Frontex, ndlr) en matière de rapatriement des migrants ».
Le massacre des migrants africains en mer, une honte pour l’Europe
Le think-tank britannique — dont on ne sait ce qu’il fait dans un sommet de la Commission européenne en Slovénie — déplore que « seul un tiers des 516 000 migrants concernés en Europe ont effectivement quitté l’Union ». Affirmant que « le retour des demandeurs d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière dans leur pays d’origine ou de transit est sans doute la partie la plus difficile de toute politique migratoire ».
Parlons-en. Car non seulement plus de 3 000 migrants africains sont morts en mer en 2021, mais en plus, Frontex a maquillé des renvois illégaux de milliers de migrants. Un scandale exposé par une enquête de Le Monde et Lighthouse Reports, qui a provoqué le mois dernier la démission du chef de l’agence européenne Fabrice Leggeri. Un Français, même si le nom insinue une autre origine.
Frontex a procédé à de nombreuses reprises au renvoi de demandeurs d’asile déjà sur le sol européen. Ses garde-côtes ont également, à 222 reprises recensées, escorté des migrants en mer, et les ont abandonnés. Aujourd’hui, c’est Leggeri qui est visé par « une procédure disciplinaire ». Il ne risque pas la prison, malgré sa potentielle participation à un massacre de migrants qui éclipserait les pogroms de demandeurs d’asile en Libye. Aucun subordonné de Leggeri n’est inquiété dans le cadre de l’enquête.
Ainsi donc, à l’occasion de la Journée mondiale de l’Afrique (encore une ironie), le président slovaque Borut Pahor, le président du Conseil européen Charles Michel, et une cohorte de ministres et diplomates européens, chercheront à augmenter le budget de cette agence gangrenée. Sans oublier, évidemment, aux moyens « d’améliorer son bilan en matière de rapatriements ». De manière légale, cette fois, faut-il espérer.