Des documents confidentiels montrent que la France aide sciemment l’Egypte à bombarder des civils à la frontière égypto-libyenne, en fournissant au Caire ses services, notamment en termes de surveillance.
Les faits remontent au samedi 13 février 2016. Nous sommes à près de 600 kilomètres de la capitale égyptienne, Le Caire. Le média Disclose décrit l’opération Sirli dans les détails : des militaires égyptiens ont accueilli à cette époque des Français. Ceux-ci, relate le média, débarquent avec des visas de touristes. En réalité, il s’agit de personnels envoyés par Paris pour une « opération militaire clandestine de la France ». Pour étayer ses propos, Disclose s’appuie sur des documents classés « confidentiel-défense ».
En quoi consistait Sirli ? C’est un peu plus de six mois avant le début des opérations que Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense à l’époque, propose les services de la France à l’Egypte. Lors de son voyage, il est accompagné de Christophe Gomart, directeur du renseignement militaire. Paris est alors en bons termes avec Le Caire : des contrats d’armement ont été signés entre les deux pays, l’Egypte ayant acheté pour plus de 5,5 milliards d’euros de matériel — avions de chasse Rafale et navires de guerre.
A l’époque, outre la menace terroriste, l’Egypte cherchait à venir à bout des trafiquants à la frontière égypto-libyenne. Mais en faisant appel à Paris, Le Caire avait joué sur la corde sensible : les autorités égyptiennes affirmaient alors à la délégation française vouloir simplement sécuriser 1 200 kilomètres, le long de frontière avec la Libye. Pour ce faire, l’Egypte demandait une aide en termes de surveillance aérienne. La mission débuta avec effet immédiat. Problème : aucune feuille de route n’indiquait les objectifs et les contours de l’opération.
Hollande et Macron au courant ?
Débute alors l’opération Sirli. Quatre militaires et six anciens de l’armée employés par une société privée, selon Disclose, se lancent dans une surveillance de la menace terroriste. Ecoutes téléphoniques, observation… Les Français aident un officier égyptien à y voir plus clair. Sauf que les rapports transmis au ministère français des Affaires étrangères montrent que l’opération n’est en réalité pas dirigée contre les terroristes, mais contre des trafiquants transitant entre la Libye et l’Egypte. D’autres rapports indiquent d’ailleurs que la zone étudiée est en réalité dénuée de terroristes.
Tout au long de la mission, François Hollande, puis Emmanuel Macron, demandent la poursuite des opérations. A son homologue égyptien, le président français dit qu’il est « parfaitement informé des opérations en cours » en Egypte. La direction du Renseignement militaire (DRM) continue d’informer l’armée égyptienne. Et régulièrement, les avions égyptiens bombardent des civils soupçonnés de contrebande.
L’armée française de l’air et la DRM ont beau mettre en doute les motivations égyptiennes, à Paris, on leur demande de continuer à aider le partenaire égyptien. Pire, l’armée française serait toujours présente sur place et continuerait à donner des informations pour cibler des trafiquants présumés. Un an après la décoration de la grand-croix de la Légion d’honneur par Emmanuel Macron du maréchal Sissi, la France continue à aider son allié économique. Contre des contrats de plusieurs milliards, Paris ferme les yeux sur les bombardements de civils.