La Tunisie s’est abstenue de voter pour le renouvellement de la Minurso au Sahara occidental, affirmant vouloir conserver une « neutralité positive ». Pourtant, en réalité, la Tunisie se range du côté algérien.
La résolution du conflit au Sahara occidental passera par la politique. C’est, en substance, le message envoyé par les Etats-Unis qui ont proposé un renouvellement d’une année du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), au Conseil de sécurité de l’ONU. Le Conseil affirme vouloir appuyer « les efforts du secrétaire général pour maintenir le processus de négociation afin de parvenir à un règlement de la question du Sahara occidental » et met en avant le « réalisme » et l’« esprit de compromis » des quatre parties prenantes, à savoir le Maroc, l’Algérie, le Front Polisario et la Mauritanie.
Tunis veut conserver sa « neutralité positive »
Mais lors du vote de cette résolution 2548, deux pays se sont abstenus. La Russie, tout d’abord. Proche de l’Algérie, Moscou a suivi la position d’Alger qui estime que le texte est taillé sur mesure pour le Maroc. Les Américains, affirme la Russie, « n’ont pas tenu compte de nos remarques raisonnables et de nos solutions de compromis recommandées ». Pour la diplomatie moscovite, « la résolution ne reflète pas la réalité objective de la colonisation au Sahara occidental, qui a évolué depuis l’escalade militaire en novembre 2020 (agression marocaine à El-Guerguarat) et cela n’apportera rien aux efforts du nouvel Envoyé personnel du Secrétaire général, Staffan de Mistura, pour reprendre le processus de négociation et parvenir à une solution mutuellement acceptable prévoyant l’autodétermination du peuple sahraoui en vertu de la Charte des Nations unies ».
Autre pays à s’être abstenu : la Tunisie. Tunis, pour le moment, n’a pas donné d’explications à son choix, précisant simplement qu’elle « tient à ses relations historiques et fraternelles distinguées avec tous les pays du Maghreb, et adhère au principe de neutralité positive dans sa gestion du dossier du Sahara occidental ». Depuis plusieurs jours, le pays est la cible des médias et réseaux sociaux marocains. Si, au sein du royaume chérifien, l’abstention tunisienne surprend, elle semble logique aujourd’hui au vu des événements de décembre dernier : les Etats-Unis avaient alors annoncé la reprise des relations diplomatiques entre Israël et le Maroc, contre la reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental.
Depuis plusieurs jours, donc, la presse marocaine déplore un « coup de poignard » de Tunis. Une action de communication bien orchestrée — certainement par le palais —, les journalistes utilisant, à peu de choses près, les mêmes éléments de langage à l’encontre du pays du Maghreb. Une façon, pour Rabat, de régler quelques comptes avec Tunis : ces derniers temps, les relations entre Alger et Tunis ont été fraternelles. Kaïs Saïed et Abdelmadjid Tebboune sont aujourd’hui très proches et la Tunisie a, sans véritablement le dire publiquement, rallié la cause algérienne dans le conflit qui l’oppose au Maroc.
La Tunisie hésitante depuis les années 1970
Dans le dossier sahraoui, voilà plusieurs années que la Tunisie prône une « neutralité positive », bien avant l’arrivée de Kaïs Saïed à Carthage. Ce conflit n’a cessé d’envenimer, depuis un demi-siècle, les relations algéro-marocaines et bloqué la mise en place de l’Union du Maghreb arabe. Si, jusqu’à 2020, le Maroc et l’Algérie étaient considérés par Tunis comme des pays « frères », la normalisation des relations entre le Maroc et Israël a changé la donne. Malgré tout, le locataire du palais de Carthage doit jongler pour éviter d’être pénalisé par ce dossier. Dans les années 1970, Bourguiba avait tenté de convaincre Houari Boumediene d’accepter que le Maroc ait la mainmise sur le Sahara. Après l’échec des discussions, Tunis a préféré rester en retrait. En 1976, la Tunisie annonçait alors sa volonté de neutralité.
Mais en coulisse, Tunis semblait plus proche du Maroc que de l’Algérie. Sous Ben Ali, révèlent des câbles WikiLeaks, la Tunisie était opposée à la position algérienne vis-à-vis du Sahara occidental, l’ex-dictateur ayant imputé à Alger le blocage dans la région. Officiellement, Carthage préfère rester en retrait. Les Accords d’Abraham ont cependant changé la donne. Tunis n’a, aujourd’hui, plus d’autre choix que de se rapprocher d’Alger et d’épouser sa vision du dossier sahraoui, pour ne pas laisser les Etats-Unis, Israël et le Maroc imposer à l’ONU leur vision de la résolution du conflit.