Au Cameroun, l’ONG Médecins sans frontières, accusée par le gouvernement d’avoir soutenu des milices séparatistes, a décidé de quitter le nord-ouest du pays.
A force de rapports critiquant les pouvoirs en place, les ONG sont régulièrement dans le collimateur des régimes africains. Dernière en date : Médecins sans frontières (MSF). L’organisation non gouvernementale soutiendrait, selon les autorités camerounaises, les milices séparatistes du nord-ouest de la région anglophone. Une accusation qui doit beaucoup aux critiques de MSF contre l’administration Biya.
Le 27 août dernier, le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a annoncé avoir décidé d’actualiser les registres de son ministère, qui regroupent notamment les associations œuvrant au Cameroun. Parmi elles, certaines doivent fournir la liste de leurs agents ou leur rapport d’activités. Surtout, le Cameroun aurait constaté que des ONG « travaillent en marge » des lois nationales et estime devoir faire des rappels à l’ordre. D’autres ONG seraient fictives, assure le ministre de l’Administration territoriale.
Les ONG désemparées dans les régions en conflit
Face à la menace qui pèse sur les ONG, Médecins sans frontières a décidé de plier bagage. L’organisation est régulièrement accusée par Yaoundé de soutenir les milices séparatistes. Une accusation qui trouve son origine dans les rapports publiés par l’ONG. « Vous les connaissez, elles vous font des rapports sur le Cameroun, sur l’état des droits de l’homme, sur ceci ou cela. Le moment est venu de savoir si ces gens ont le droit de travailler ici. Nous devons être regardants sur cette question-là », a indiqué Paul Atanga Nji.
Si le ministre assure que certaines ONG « font de bonnes choses », Médecins sans frontières a quitté le nord-ouest du pays, début août. L’ONG avait été suspendue huit mois par les autorités camerounaises. « Nous ne pouvons rester plus longtemps dans une zone où nous ne sommes pas autorisés à offrir des soins à la population », déplore Emmanuel Lampaert, coordinateur des opérations de MSF pour l’Afrique centrale. Médecins sans frontières était pourtant l’une de seules ONG à œuvrer dans la région.
Un rôle de contre-pouvoir
Les ONG joueraient-elles un rôle occulte en Afrique ? C’est en tout cas l’argument avancé par de nombreux Etats. Comme au Nigeria. Fin 2019, le gouvernement avait suspendu pendant un mois les activités de deux ONG dans le nord-est du pays. Mercy Corps et Action contre la Faim avaient alors été accusées d’avoir « aidé et encouragé les terroristes et leurs atrocités ». Médecins sans Frontières avait également assuré ne pas avoir accès à certaines régions pour apporter son aide. Il avait fallu l’intervention de Mark Lowcock, secrétaire général adjoint de l’ONU aux affaires humanitaires, pour que la situation se débloque.
Des scandales d’abus sexuels pour MSF au Kenya, au Liberia et en Afrique centrale, ou au sein d’Oxfam, en passant par des enlèvements d’enfants au Tchad pour l’ONG l’Arche de Zoé, d’autres affaires viennent ternir l’image des ONG internationales. Malgré les différents abus et affaires de mœurs, les accusations proférées par les différents régimes africains contre les ONG sont plus graves. Elles jouent parfois le rôle de contre-pouvoir. De quoi provoquer des différends insolubles entre ces organisations non gouvernementales et les différents régimes les plus autocratiques.