Ce mercredi 11 août, le chef de la diplomatie israélienne Yair Lapid est arrivé au Maroc, où il rencontrera le ministre des Affaires Etrangères Nasser Bourita. Une visite officielle qui divise au sein du royaume.
Le « décollage pour une visite historique au Maroc » a eu lieu à 7 heures du matin. Attendu pour une visite de deux jours dans le royaume chérifien, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yair Lapid, a prévu d’inaugurer le bureau de la représentation diplomatique israélienne à Rabat. « Nous visiterons Casablanca et rétablirons la paix entre les deux Etats et les deux peuples », a indiqué, ce mardi, le chef de la diplomatie israélienne qui a tenu à « remercie Sa Majesté le Roi Mohammed VI pour son audace et sa vision ». Le ministre des Affaires étrangères prévoit de travailler avec l’équipe du palais royal « pour poser les bases d’une coopération économique, touristique et culturelle ».
ממריא לביקור היסטורי במרוקו 🇮🇱 🇲🇦! pic.twitter.com/mwTCiWpIPx
— יאיר לפיד – Yair Lapid🟠 (@yairlapid) August 11, 2021
La visite officielle de Yair Lapid intervient huit mois après l’annonce de la normalisation des relations entre le royaume et l’Etat hébreu. L’administration Trump avait, en contrepartie, reconnu la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Une visite qui a également lieu en pleine polémique, après qu’Israël a obtenu un siège d’observateur au sein de l’Union africaine. Depuis plusieurs semaines, une coalition de pays, emmenée par l’Algérie, proteste contre la décision de Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’UA. La prochaine réunion de la Commission devrait être consacrée à cette question, même si le Tchadien a assuré que « la reconnaissance d’Israël et le rétablissement de relations diplomatiques avec lui par une majorité supérieure aux deux-tiers des Etats membres de l’UA » devait permettre de clore le dossier.
La normalisation, « une décision douloureuse et difficile ».
En attendant, ce voyage de Yair Lapid dans le royaume chérifien ressemble à s’y méprendre à une promenade de santé, loin des critiques. Sauf que le séjour marocain du ministre israélien des Affaires étrangères pourrait être en réalité plus mouvementé que prévu. Le chef du gouvernement marocain, Saad Dine El Otmani, a annoncé qu’il refuserait de rencontrer le ministre venu de l’Etat hébreu. Interrogé par la chaîne Al Arabi samedi dernier, le chef du gouvernement a mis en avant l’intérêt suprême du Maroc, « avant toute considération » politique. Or, selon El Otmani, la normalisation des relations entre le Maroc et Israël a été « une décision douloureuse et difficile ».
Ce week-end, El Otmani assurait donc qu’une rencontre avec le ministre israélien des Affaires étrangères n’était « pas au programme ». Le chef du gouvernement rappelle les derniers événements qui se sont déroulés à Jérusalem et les attaques violentes de l’Etat hébreu. Le Maroc avait appelé au calme. Pour Saad Dine El Otmani, malgré la décision royale de normaliser ses relations avec Israël, « le Maroc continuera à soutenir le peuple palestinien avec tout ce qu’il peut diplomatiquement, politiquement et sur le terrain ». Le chef du gouvernement promet notamment un « appui à tous les niveaux : financièrement, dans la construction, dans l’éducation et dans la santé ».
Des divisions internes au sein du gouvernement marocain
S’il ne rencontre pas le chef du gouvernement, Yair Lapid a prévu en revanche de s’entretenir avec son homologue, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita. Le diplomate préféré de Mohammed VI recevra, de la part de Lapid, une invitation pour se rendre en Israël, où le Maroc devrait aussi ouvrir une représentation. Cette visite du ministre israélien des Affaires étrangères, prévient Lapid, « sera le point de départ d’accords touristiques et commerciaux, ainsi que d’une coopération économique et politique globale entre les deux pays ». Le potentiel des échanges commerciaux entre les deux pays est estimé à 500 millions de dollars annuels. Il y a quelques semaines, Yair Lapid a déjà inauguré une ambassade israélienne aux Emirats arabes unis.
Mais la visite israélienne au Maroc revêt un caractère encore plus fort en termes de communication pour l’Etat hébreu : symboliquement et stratégiquement, Israël fait un grand pas en normalisant, de façon visible cette fois, ses relations avec un pays d’Afrique du Nord, une région historiquement hostile à Tel-Aviv. Autrefois secrète, la relation Maroc-Israël est désormais affichée au grand jour et doit permettre à l’Etat hébreu d’investir au Maroc, mais aussi de redorer son blason. Une initiative importante au moment où vient d’être révélée l’affaire Pegasus, qui montre qu’Israël a fourni des solutions d’espionnage au royaume chérifien. Si la visite de Yair Lapid sera bénéfique pour l’Etat hébreu, elle montre également que, au sein même du royaume, la normalisation avec Israël a divisé. Les mots du chef du gouvernement envers Israël ne sont certainement pas passés inaperçus à Tel-Aviv.