En décidant d’augmenter les tarifs du carburant, Alpha Condé et son gouvernement risquent d’être confrontés à des mouvements sociaux dans les semaines à venir.
C’est une augmentation qui risque de faire mal aux porte-monnaie des Guinéens. Le gouvernement vient en effet d’annonce, jeudi dernier, la hausse du prix du carburant. A la pompe, il faudra désormais débourser 11 000 francs guinéens pour un litre d’essence, contre 9 000 auparavant. Soit une augmentation de plus de 22 %. Officiellement, le pouvoir en place indique que c’est le prix actuel du baril de pétrole qui oblige à une telle augmentation. En juin, Alpha Condé avait renoncé à annoncer une augmentation des coûts à la pompe. Il a finalement changé d’avis.
La Guinée aurait un potentiel pétrolifère important, avec la zone du bassin sédimentaire Mauritanie, Sénégal, Gambie, Bissau, Guinée Conakry (MSGBC). Mais depuis 1977, seuls trois puits pétroliers ont été forés au large du littoral et aucun n’a donné lieu à une extraction de pétrole. Conakry semble avoir du mal à attirer les groupes pétroliers et est donc obligé d’importer. Alpha Condé avait d’ailleurs délivré une licence au groupe Hyperdynamics pour explorer les sols guinéens. Mais en 2018, la société a déposé le bilan.
Conakry est donc dépendant des prix du baril. Mais l’augmentation annoncée jeudi aurait en réalité due être prise bien avant. Le gouvernement a en effet tenté de négocier avec les transporteurs et de trouver un dispositif d’accompagnement pour passer la crise pétrolière sans encombres. Car qui dit augmentation du prix de l’essence dit forcément augmentation des tarifs dans les transports en commun.
La moitié des Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté
Le président Alpha Condé a lui-même mené une partie des négociations, assure le porte-parole du gouvernement, en recevant les syndicats de transporteurs. Mais l’opposition y voit une manœuvre de communication. Car en réalité, l’état des transports en commun à Conakry est déplorable. Dans un rapport sorti en 2019, la Banque mondiale déplore « l’absence de système de transport en commun » et le « piètre état et le manque d’infrastructures routières » dans la capitale guinéenne, affirmant que cela a un impact sur le chômage dans le pays. L’institution internationale pointe également la faiblesse de l’Etat en termes de politique des transports : des opérateurs de transport en commun informels opèrent en toute impunité à Conakry.
L’opposition semble aller dans ce sens. Pour le Bloc libéral de Faya Millimouno, « Conakry est l’une des rares capitales à ne pas avoir un service public de transports. Or l’Etat ne peut pas fixer le prix d’un service qu’il ne fournit pas ». D’autant que l’Etat guinéen a mis en place des barrages sur les routes pour des raisons de sécurité. Or, ceux-ci sont utilisés par les policiers pour extorquer de l’argent aux transporteurs. Le gouvernement a promis de supprimer ces barrages.
La fin de ce qui s’apparentait à un racket d’Etat devrait permettre aux transporteurs de ne pas augmenter leurs tarifs. Il n’empêche : cette augmentation du prix du carburant, si elle aura selon le gouvernement peu d’impact sur les Guinéens utilisant les transports en commun, devrait toucher fortement une partie de la population, dont les Guinéens qui disposent d’un véhicule. D’autant que les transporteurs n’ont, pour certains, pas respecté leurs engagements et déjà augmenté leurs tarifs.
Si le prix à la pompe reste élevé, Alpha Condé et son gouvernement devront certainement faire face, dans les prochains mois, à une grogne sociale et à des mouvements. Pour le Bloc libéral, « cette augmentation du prix du carburant a pour conséquence première la montée du chômage et de la pauvreté, ce qui risque de provoquer des remous, le peuple est dos au mur ». Plus de la moitié des Guinéens vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Dix mois après sa réélection, Alpha Condé connaît sa première crise.