Alors que le Serum Institute of India a reporté ses exportations de vaccin contre la Covid-19, l’Afrique est désormais confrontée à une pénurie de doses.
« Nous ne nous attendons pas à ce que des vaccins soient expédiés d’Inde de si tôt ». Le directeur du Centre de contrôle et de prévention des maladies en Afrique (Africa CDC), John Nkengasong, est inquiet. En effet, l’Inde a récemment prévenu qu’elle miserait sur la priorité à ses populations concernant la vaccination contre la Covid-19.
Le fabricant des doses, le Serum Institute of India (SII), allait être le fournisseur principal des vaccins AstraZeneca qui devaient être distribuées aux pays africains dans le cadre du mécanisme Covax. Mais le développement du variant indien a changé la donne. Et le SII a d’ores et déjà prévenu qu’il décalerait ses exportations de doses dans les prochains mois. Si John Nkengasong espérait, samedi dernier, qu’il y ait « une continuité de l’approvisionnement, via Covax, en provenance d’Inde », tout porte à croire que la décision du laboratoire pharmaceutique indien sera préjudiciable pour tout un continent.
Et si l’Afrique semble mieux lotie que l’Inde en termes de chiffres, l’inquiétude est de mise. « Ce qui se passe dans d’autres parties du monde peut se produire en Afrique si nous baissons la garde », a tenté de prévenir le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Et sans les vaccins indiens, c’est l’inconnue. « Le Serum Institute of India devait livrer 110 millions de doses à Covax entre février et mai, mais seules 20 millions ont été livrées jusqu’à présent », déplore l’alliance du vaccin Gavi, à l’origine de Covax.
Quid des secondes doses ?
Cet arrêt inopiné des exportations de doses devrait toucher plusieurs pays, comme la Côte d’Ivoire, le Sénégal ou encore le Nigeria, entre autres. Le coup d’arrêt risque bien de freiner les campagnes de vaccination un peu partout sur le continent : « Nous ne nous attendons plus à ce que les livraisons en provenance du Serum Institute of India reprennent en mai », affirme le porte-parole de Gavi, qui tente d’assurer que l’Inde, une fois sa situation améliorée, a donné sa parole à l’Union africaine qu’elle donnerait la priorité à Covax.
Mais les prévisions africaines sont-elles fiables ? De son côté, le Serum Institute of India imagine plutôt une reprise des exportations de doses… à la fin de l’année. Fin 2021, ce seraient 690 millions de doses qui devraient arriver en Afrique. Reste un problème urgent à régler : « Sécuriser suffisamment de volumes supplémentaires pour aider les pays qui ont reçu une première dose du Serum Institute of India à être en mesure d’administrer des secondes doses, conformément aux recommandations », indique l’initiative Covax.
Et pour ce faire, il faudrait 20 millions de doses en urgence. Envoyé spécial de l’Union africaine pour les achats de vaccins, Strive Masiyiwa assure être « en colère » contre le centre de production indien. Il déplore le double discours des dirigeants de ce dernier. Au Financial Times, il affirme avoir prévenu l’UA qu’il ne fallait « pas faire affaire avec ces gars-là », qu’il estimait « peu fiables ». Covax a cependant misé sur l’Inde. Et en se focalisant sur un contrat avec le Serum Institute of India, l’Union africaine est désormais face au mur.