La Cour pénale internationale va changer de procureur général. Un Britannique remplacera la Gambienne Fatou Bensouda. L’occasion pour la CPI de se « désafricaniser » ?
Elle était censée « mettre fin à l’impunité et à instaurer l’état de droit » dans tous les pays du monde. La Cour pénale internationale (CPI) porte peut-être finalement mal son nom : accusée de « chasse raciale » par l’Union africaine depuis plusieurs années, la CPI semble en effet faire une fixation sur le continent africain : en 2016, sur les neuf pays qui faisaient l’objet d’une enquête par la CPI, huit étaient africains.
Suffisant pour juger « néocolonialiste » la Cour. Mais une nouvelle ère se profile. La CPI va en effet changer de procureur général, ce qui augure forcément un changement de cap et une « désafricanisation » des affaires. A l’occasion du départ annoncé de Fatou Bensouda, qui occupe le poste de procureur général de la Cour, un débat est lancé. La CPI doit-elle arrêter de s’en prendre à l’Afrique et s’internationaliser ?
Un nouveau procureur général
La mission première de la CPI est pourtant de juger les personnes accusées de crimes contre l’humanité ou de guerre, qu’importe leur nationalité. Mais les régimes autoritaires d’Amérique du Sud, d’Asie et d’Europe de l’Est, entre autres, ont eu très peu à s’inquiéter des retombées judiciaires d’un procès à la CPI. A quelques semaines de la prise de fonction du Britannique Karim Khan, l’heure est à l’introspection pour la CPI, après ce qui ressemble bel et bien à un échec de la part de la Gambienne Fatou Bensouda.
Une Cour pénale internationale était pourtant une idée séduisante sur le papier. Preuve en est avec l’adhésion des Etats africains à la CPI, inaugurée par le Sénégal qui avait ratifié le statut de Rome en février 1999. 34 sur les 54 pays africains ont alors emboîté le pas à Dakar, avec pour objectif d’instaurer la sécurité, la paix et une sortie honorable des conflits armés. La ratification du Statut de Rome, pour ces mêmes Etats, également désireux de rompre avec l’image de persistance du culte de l’impunité et celle d’Etats incapables d’assurer l’indépendance de leurs juridictions pénales nationales, semblait donc être logique.
L’échec soudanais et la déroute ivoirienne
Et pour cause. Les premiers cas traités au tribunal de La Haye ont concerné l’Ouganda et la République démocratique du Congo en 2004, puis la République Centrafricaine en 2005. On y percevait une réelle volonté de ces pays africains de rompre avec un passé tumultueux, en se pliant aux règles d’une nouvelle juridiction internationale. Mais à quel prix ? La CPI, souvent en mal de crédibilité et de légitimité, a été accusée d’opportunisme, profitant des conflits en Afrique pour ne se concentrer que sur les crimes perpétrés sur le continent, oubliant de dévier le regard à l’international.
Une obsession africaine qui a déplu à l’Union africaine. Certains pays, comme le Burundi et l’Afrique du Sud, ont d’ailleurs décidé de se retirer de la CPI en 2016. D’autres ont accueilli le Soudanais Omar el-Béchir, au vu et au su de la Cour, qui a dû attendre une action de l’armée soudanaise pour s’occuper du cas du président. Certains spécialistes expliquent ces erreurs par la jeunesse de la CPI. D’autres reprochent à la Cour de ne s’en prendre qu’aux plus faibles pour asseoir son bon droit. Et ce n’est pas la relaxe de Laurent Gbagbo, l’ex-président ivoirien, qui a arrangé l’image opportuniste de la CPI.
L’Union africaine peste contre la CPI
Et si l’on trouvait les explications à cette obsession africaine en étudiant le lien conflictuel entre la Cour et les pays africains ? Jugeant la CPI impérialiste et néocoloniale, l’Union Africaine a d’abord refusé la création d’un bureau de liaison avec la juridiction internationale et a même émis, à titre symbolique, le souhait de se retirer du statut de Rome en Janvier 2017 à Addis-Abeba. Une démarche qui ne pouvait aboutir, l’UA n’était pas signataire du fameux document, puisqu’il appartient à chaque Etat de choisir ou non de le faire.
Le développement de la justice internationale dans le cadre du maintien de la paix étant l’enjeu principal de la CPI, elle ne pourra garder sa crédibilité que si elle admet et corrige le déséquilibre géographique, et donc le traitement parfois jugé arbitraire concernant ses enquêtes. Pour ce faire, elle devra être encouragée à élargir son rayon d’enquête et l’arrivée d’un nouveau procureur général ne pourra qu’être salvateur. Mais la CPI devra également encourager les juridictions nationales à enquêter elles-mêmes. Karim Khan a promis de cesser cette « obsession de l’Afrique ».