Une page d’histoire s’est écrite avec le Maroc et le Sénégal qui se sont qualifiés pour les huitièmes de finale. Si le Maroc bat l’Espagne, le niveau de 2014 sera dépassé.
Pour l’Afrique, avoir plusieurs équipes qui dépassent la phase de groupe pour atteindre les huitièmes de finale d’une Coupe du monde est une étape importante. Le résultat remarquable de la Coupe du monde masculine de la Fifa 2022 au Qatar – qui a vu le Sénégal et le Maroc accéder à la phase à élimination directe – est la meilleure performance de l’Afrique en Coupe du monde depuis 2014. Cette année-là, le Nigeria et l’Algérie avaient tous deux atteint les huitièmes de finale. C’est une performance réjouissante après une Coupe du monde 2018 lamentable où aucun des représentants africains n’avait dépassé la phase de groupe.
La qualification en huitièmes de finale est une étape importante, mais ce qui pourrait être encore plus durable, c’est que plusieurs équipes atteignent les quarts de finale. Les espoirs du Sénégal ont été anéantis par une défaite en huitième de finale contre l’Angleterre. Auparavant, trois équipes africaines ont atteint les quarts de finale : en 1990 (Cameroun), 2002 (Sénégal) et 2010 (Ghana).
Cependant, deux équipes africaines n’ont jamais atteint ce stade dans une même Coupe du monde. L’année 2022 pourrait-elle être la bonne ?
Actuellement, la performance remarquable de la Tunisie en donne une indication. La Tunisie n’a pas dépassé le premier tour mais sa victoire contre la France, championne du monde en titre, 1-0, est une histoire en soi. C’était la seule défaite de la France au premier tour.
Le Cameroun a lui aussi montré qu’il avait le courage nécessaire pour surprendre les favoris brésiliens. Il a perdu de justesse sa place en huitième de finale, la Suisse ayant battu la Serbie pour les devancer.
Mais la véritable histoire est à venir. Le Sénégal et le Maroc peuvent-ils se qualifier pour les phases finales ? Le manager marocain Walid Regragui le pense clairement. Il a déclaré aux médias :
Nous allons être très difficiles à battre… Je pense que les équipes africaines peuvent aller loin. Pourquoi ne rêverions-nous pas de gagner la Coupe du monde ?
Le problème des classements
Les performances de l’Afrique en 2022 mettent en lumière un problème persistant de la Coupe du monde : les classements. Le classement fourni par l’instance mondiale du football, la Fifa, constituent une pomme de discorde depuis des années. Notamment dans son utilisation des coefficients – un système basé sur les scores passés qui est utilisé pour classer la performance collective des équipes. Ce système détermine ensuite le nombre de places attribuées à chaque continent ou région lors de la Coupe du monde. Actuellement, les coefficients favorisent les équipes européennes et sud-américaines au détriment des équipes des autres régions du monde.
Ce n’est pas une méthode efficace pour évaluer la force des équipes nationales, car le système de classement attribue des coefficients en fonction des performances des meilleures équipes d’une confédération continentale (comme la Confédération africaine de football). Il est plus logique d’attribuer des coefficients en fonction de la position dans le classement Fifa plutôt qu’en fonction des résultats des confédérations.
Par exemple, les équipes classées de 1 à 50 reçoivent le même coefficient, quelle que soit leur confédération. Cela empêche les équipes faibles de certaines confédérations de bénéficier des performances des équipes fortes de leur confédération. Actuellement, les meilleures équipes des confédérations faibles sont désavantagées car leurs victoires sont affectées par des coefficients moindres dans le calcul des points obtenus dans l’équation du classement.
Un tournant
Au-delà de la qualification en quarts de finale, la performance des représentants africains au Qatar laisse entrevoir un tournant important indiquant que le continent peut rivaliser durablement avec les meilleures équipes du monde.
Bien que la Fifa ait périodiquement apporté des modifications à son système de classement, cette Coupe du monde a une fois de plus remis en question ce système.
Ce n’est pas tant le fait que le Maroc, classé 22e, termine son groupe en première position devant la Belgique et la Croatie qui étaient classées bien avant lui, mais le fait que les équipes les moins performantes d’Europe bénéficient de ces coefficients alors qu’elles sont plus faibles que les meilleures équipes des régions aux coefficients plus faibles.
Par exemple, des équipes comme la Serbie et le Pays de Galles ont chacune reçu des rangs supérieurs à ceux du Maroc, du Ghana et du Japon, qui les ont solidement surclassés.
Mais qu’indiquent les matches de 2022 ? Tout d’abord, il est de plus en plus clair que l’Afrique mérite l’augmentation à neuf places qu’elle obtient pour la prochaine Coupe du monde aux États-Unis en 2026.
Actuellement, l’Afrique dispose de cinq places, mais la concurrence est généralement féroce pour ces places et plusieurs équipes africaines de haut niveau n’ont pas réussi à se qualifier pour cette raison. Parmi ces équipes figurent l’Algérie, l’Égypte, la Côte d’Ivoire et le Nigeria, qui ont déjà remporté la Coupe d’Afrique des Nations et ont toujours figuré parmi les meilleures équipes africaines au cours des dernières années.
Réduire l’écart
Une autre chose qui est claire au Qatar est que l’arrêt Bosman, qui a ouvert le transfert de footballeurs entre clubs et pays, a contribué à accélérer le développement des talents du football au niveau mondial. Il a élargi la portée et la distribution du développement technique du football. Cela a réduit le fossé entre les nantis et les démunis dans le football mondial. Par exemple, l’Observatoire du football du Centre internationale d’études de sports CIES) note la migration d’un grand nombre de talents du monde entier, y compris de l’Afrique, vers les “cinq grands” championnats européens. Ces talents reviennent d’Europe pour représenter leur pays d’origine à la Coupe du monde.
Une nouvelle source de talents pour les pays africains à la Coupe du monde est constituée par les footballeurs nés en Europe, en particulier, de parents africains ou qui sont autrement éligibles pour jouer pour des pays africains. Plusieurs de ces footballeurs déclarent de plus en plus leur éligibilité à jouer pour des pays africains et leur impact lors de compétitions comme la Coupe du monde est particulièrement évident en 2022.
En définitive, les équipes africaines présentes à la Coupe du monde prouvent qu’elles méritent leurs places au concert des nations.
Chuka Onwumechili, Professor of Communications, Howard University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.