Une manifestation est annoncée ce vendredi 5 mars à Dakar. Après des affrontements qui ont fait un mort la veille et après l’arrestation de l’opposant Ousmane Sonko, accusé de viol, le Sénégal est au bord de la crise.
Cet après-midi, sur la place Washington, en plein centre-ville de Dakar, l’ambiance risque d’être électrique. Jeudi, des manifestants se sont opposés aux forces de l’ordre. Bilan : un mort. Des violences qui font suite à l’affaire Ousmane Sonko. Accusé de viol, l’opposant politique a été arrêté arrêté pour « troubles à l’ordre public ». Sonko s’était mis en scène en faisant filmer son trajet jusqu’au Palais de Justice, alors qu’il s’y rendait suite à une convocation dans son affaire de mœurs. Des troubles ont alors éclaté, un peu partout dans la capitale sénégalaise mais également dans d’autres zones du pays, notamment dans le fief de Sonko, dans le sud du pays.
Une politisation de l’affaire par l’opposition
L’affaire Ousmane Sonko est en train d’agiter le Sénégal, connu pour être un modèle de démocratie en Afrique. Et la stratégie de l’opposition est claire : politiser au maximum une affaire de mœurs et éviter de se prononcer sur le fond de cette même affaire. Pour le porte-parole de l’Alliance pour la République (APR), le parti de Macky Sall, « on ne peut pas accepter que les choses se règlent avec la violence. Cette affaire est venue d’une affaire privée. Et je pense que depuis qu’ils ont commencé à communiquer, jamais vous ne les avez entendus se prononcer sur les faits, c’est-à-dire l’accusation de présumé viol ».
Une stratégie payante : persuadé d’être la victime d’une cabale présidentielle, Sonko harangue les foules et accuse le pouvoir d’avoir créé cette affaire de toutes pièces. Le camp Sonko tente également de trouver un vice de procédure. En attendant que l’affaire se règle devant les tribunaux, la formation politique de l’accusé, soutenue par des mouvements de la société civile, appelle ses partisans à sortir dans la rue. Le collectif Y’en a marre accuse l’armée d’avoir recruté des civils « pour violenter les citoyens ». Macky Sall ne s’est, pour le moment, pas étendu sur la question. Mais le président sénégalais devra rapidement prendre la parole pour calmer la situation.
Suspension de médias et de services de messagerie
Face à de telles émeutes, le ministère de l’Intérieur, lui, prévient qu’il prendra « toutes les dispositions (…) pour qu’il n’y ait pas de débordements dans le cadre des méthodes classiques et techniques de rétablissement de l’ordre ». Le gouverneur de Dakar a d’ores et déjà fait appel à l’armée, ce vendredi, « pour le maintien et le rétablissement de l’ordre sur toute l’étendue du territoire ». Pour éviter l’embrasement de la situation, les forces de l’ordre devront éviter que la marche ne dégénère.
La société civile, elle, peste : d’un côté, les signaux des chaînes SenTv et Walfadjari, qui couvraient les manifestations, ont été coupés par le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA), qui a évoqué une tentative d’« apologie de la violence » de la part de ces médias. Les manifestants, eux, s’en sont pris à une autre chaîne, jugé trop partiale. D’autre part, l’ONG Netblocks dénonce des restrictions sur plusieurs services internet, à l’instar de WhatsApp, YouTube ou Telegram. Ce vendredi après-midi sera celui de tous les dangers pour le Sénégal : si l’armée ne réussit par à maintenir le calme, nul doute que le mouvement de contestation continuera à grandir dans tout le pays.