A l’occasion de la visite, au Sénégal, du chancelier allemand Olaf Scholtz, le chef d’Etat sénégalais et président de l’Union africaine (UA), Macky Sall, a annoncé un prochain déplacement à Moscou et Kiev.
« Nous avions reçu l’invitation de Moscou pour nous y rendre le 18 (mai) dernier, mais pour des raisons de calendrier, cela n’a pas été fait. J’ai proposé de nouvelles dates, dès que c’est fixé je me rendrai naturellement à Moscou… mais aussi à Kiev », a annoncé Macky Sall ce dimanche.
Une déclaration du président en exercice de l’UA qui démontre une volonté de « porter la voix de l’Afrique ». Macky Sall a attendu d’être invité à s’immiscer dans ce dossier avant d’exprimer une quelconque position de l’UA sur le conflit russo-ukrainien. Et, surtout, il a attendu la visite du chancelier allemand Olaf Scholtz avant de parler de son futur déplacement.
Une visite allemande placée sous le signe de l’énergie. Macky Sall joue la carte du gaz avec son visiteur allemand, affirmant que « le Sénégal est prêt à approvisionner le marché européen en gaz ». « Mais il faut d’abord que nous soyons soutenus dans notre participation dans de meilleurs conditions que celles offertes actuellement par nos partenaires », a prévenu le chef d’Etat sénégalais. En d’autres termes, Macky Sall fait monter les enchères.
En attendant, et malgré l’annonce d’un futur déplacement, le patron de l’UA avance sur la pointe des pieds dans le dossier ukrainien. « Pour l’Afrique, nous voulons la paix, nous ne voulons pas être alignés sur ce conflit, très clairement. Même si nous condamnons l’invasion, nous travaillons pour qu’il y ait une désescalade, nous travaillons pour qu’il y ait un cessez-le-feu », a-t-il indiqué. Macky Sall rappelle d’ailleurs que « de toute façon, on finira par s’assoir autour d’une table ».
Macky Sall s’adresse-t-il aux bonnes personnes ?
Un tel discours est-il représentatif des positions africaines ? L’Egypte, le Zimbabwe, l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Mali et la Guinée équatoriale ont déjà repris les affaires avec la Russie. Les engagements de certains pays africains vis-à-vis de la pénurie énergétique en Europe ne les ont pas empêchés de continuer à avoir des rapports cordiaux avec Moscou. Mais du côté du Sénégal, la position diplomatique avait évolué, passant de la neutralité à la condamnation de la Russie. Et Macky Sall, souvent aligné sur Paris, semble devoir jongler entre la position de son pays avec celle de l’Union africaine (UA). Non pas en tant qu’institution, mais en tant que bloc.
Macky Sall déclare d’ailleurs : « Nous avons aussi accepté de réunir l’ensemble des chefs d’Etat, qui le souhaitent, de l’Union africaine, avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky qui avait exprimé le besoin de communiquer avec les chefs d’Etat africains ». Le président sénégalais affirme avoir été « mandaté par d’autres chefs d’Etat africains » dans sa mission diplomatique à Moscou et Kiev. Mais afin que sa tournée ne soit pas uniquement une perte de temps, Macky Sall ne devrait-il pas aussi s’adresser au président américain Joe Biden ? Ou encore au secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg ?
Les Etats-Unis et l’Otan sont parties prenantes du conflit ukrainien. L’Union européenne (UE), pour sa part, fait figure d’intermédiaire pour les livraisons d’armes à l’Ukraine. En s’adressant à Poutine et Zelensky, dans un premier temps, Macky Sall a-t-il une quelconque chance de provoquer une désescalade ?
Sa mission sera en tout cas délicate : à Moscou, le chef d’Etat sénégalais arrivera alors qu’il négocie la fourniture de gaz à l’Europe, et juste après avoir quitté sa position neutre pour condamner la Russie lors du deuxième vote à l’ONU.