Lors d’une visite à Banibangou, après l’attaque terroriste qui a eu lieu mardi, Mohamed Bazoum a appelé les citoyens à « compter sur l’armée » pour les protéger. Mais les populations locales commencent à douter des promesses du président du Niger.
« Je comprends que vous ne soyez pas satisfaits de notre rendement, de nos performances. Si vous pensez que pouvez assurer votre défense, c’est légitime, mais celui qui doit assurer votre défense et sur lequel vous devez compter c’est l’Etat ». Lors d’un plaidoyer en faveur de son armée, alors qu’il était en visite à Banibangou, touchée par une attaque terroriste qui a fait près de 70 morts, dont le maire de la ville, Mohamed Bazoum n’a pas vraiment convaincu.
En l’absence de l’Etat, justement, les citoyens de la région avaient décidé d’organiser un comité d’autodéfense pour veiller sur la sécurité des civils. Le président nigérien a bien tenté de rassurer les populations en affirmant avoir une stratégie. Mais en légitimant la mise en place de milices locales, Bazoum a surtout montré que lui et son armée n’avaient, en réalité, pas la moindre idée de comment défendre les frontières des attaques terroristes.
La ville de Banibangou a subi, mardi dernier, une violente attaque. Les membres du groupe d’autodéfense ont été pris en embuscade aux alentours de la ville. L’Etat nigérian n’a communiqué sur l’évènement que deux jours plus tard, au moment d’apprendre la nouvelle lui-même… par voie de presse. Les autorités nigériennes ont fini par envoyer des soldats en renfort, vendredi. Mais parmi ces derniers, onze ont été tués sur la route les menant à Banibangou et neuf ont été kidnappés par les terroristes.
Bazoum, trop occupé à regarder ailleurs ?
Au Niger, et notamment dans les régions touchées par le terrorisme, c’est l’incompréhension quant à la communication du président Bazoum. Le chef de l’Etat ne cesse en effet de multiplier les sorties sur d’autres pays, notamment le Mali. Interrogé la semaine dernière par Jeune Afrique, Mohamed Bazoum a en effet déploré la lenteur de la transition au Mali, affirmant que les militaires maliens avaient « intérêt à nous écouter nous, Nigériens, qui leur avons témoigné notre fraternité quand leur pays était menacé de sécession ».
Côté malien, on déplore l’ingérence du chef de l’Etat nigérien. Et l’attaque terroriste de mardi dernier montre à quel point Bazoum ferait mieux de s’occuper des affaires nationales, avant de donner des leçons au Mali. Un peu plus de sept mois après son investiture, Mohamed Bazoum prône encore à qui veut l’entendre que le Niger est un modèle de sécurité.
Or, concrètement, il enregistre les dégâts les plus lourds de l’histoire du pays. Le Niger est en effet confronté à une offensive terroriste depuis plusieurs années, dont la plupart des attaques ont eu lieu depuis le début de son mandat. On compte au moins 2 200 civils morts dans des attentats terroristes et pas moins de 172 soldats. Etonnant quand on sait que Mohamed Bazoum avait adopté un programme électoral basé principalement sur la sécurité.
Les sorties de Bazoum sur le Mali — puis sur la Guinée — s’expliquent cependant assez facilement. Alors qu’il avait été fraîchement investi président, le chef de l’Etat avait été la cible d’une tentative de coup d’Etat. Depuis, le président du Niger semble devenu paranoïaque. Et alors que les critiques à son encontre pleuvent, malgré le recrutement d’une cellule digitale composée d’internautes ayant pour mission de le défendre sur les réseaux sociaux, Mohamed Bazoum a bien du mal à tenir les rênes de son pays.
Compter sur l’Etat… mais quel Etat ?
Mohamed Bazoum a tout de même quelques atouts dans sa besace. Il peut en effet compter sur la France qui, en échange d’un accès aux ressources naturelles du Niger — uranium et or en l’occurrence —, apporte son soutien au président nigérien. Une alliance de la carpe et du lapin avec Emmanuel Macron, qui compte bien envoyer au Niger ses troupes retirées du Mali. En échange, Bazoum s’est autoproclamé pourfendeur des dangers des régimes militaires en Afrique.
Critique vis-à-vis du Mali, le président nigérien n’a pourtant pas voulu critiquer le coup d’Etat militaire au Tchad. Mais à Bamako, il rappelle : « Nous sommes contre les coups d’État. Quand je dis ‘nous’, je fais référence à l’ensemble des États membres de la Cedeao ».
Quelques mois après sa prise de pouvoir au Niger, Mohamed Bazoum réussit à se faire entendre à l’international. Mais à quel prix ? Au sein de ses propres frontières, l’Etat a failli à toutes ses obligations : l’économie est en chute libre, les autorités ont abandonné les victimes des inondations, la vaccination contre la Covid-19 est au point mort et aucune promesse électorale n’a connu un soupçon de réalisation. Notamment dans les secteurs de l’éducation et de la sécurité. Mohamed Bazoum a beau demander à ses concitoyens de compter sur l’Etat, ces derniers se sentent aujourd’hui livrés à eux-mêmes.