L’ancien directeur de cabinet du président congolais Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, a été acquitté par la cour d’appel ce jeudi 23 juin. Alors que les combats dans la région des Grands Lacs s’intensifient, Kamerhe serait-il l’atout de « Fatshi » ?
« Le pacificateur » est de retour en RDC. Après un tour de piste judiciaire, dans cinq juridictions différentes, l’ancien directeur de cabinet du président congolais Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe, a été acquitté par la cour d’appel de Kinshasa.
La décision était attendue, surtout depuis l’annulation de la sentence de Kamerhe par la Cour de cassation en avril dernier — il avait été condamné à 20 ans de prison en 2020, puis à 13 ans en appel en 2021.
Le journaliste Romain Gras dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas : selon lui, le timing n’est pas anodin. Le retour de Vital Kamerhe intervient alors que Tshisekedi est affaibli dans l’est du pays, et « en pleine crise avec le voisin rwandais autour de la résurgence de M23 ». « Le chef de l’Etat congolais pourrait, dans la perspective du prochain scrutin, profiter de l’influence de Vital Kamerhe dans la région », analyse Gras.
Une hypothèse loin d’être surréaliste. Si Kamerhe est détesté dans le sérail de Tshisekedi, surtout depuis l’implosion de l’Union sacrée, l’ancien directeur de cabinet présidentiel est extrêmement influent là où Kinshasa ne l’est pas.
Pour rappel, il y a plus de dix ans, alors que Joseph Kabila et Etienne Tshisekedi — le père de l’actuel président — se battaient pour la présidence, Kamerhe, lui, avait bâti son propre bout de paradis politique dans l’est du pays. Sur 5 millions d’habitants dans et autour du Kivu, 1,5 million avaient voté pour Kamerhe en 2006 lors des législatives et presque autant en 2011 pour la présidentielle.
Une libération loin de faire l’unanimité
Cette influence de Vital Kamerhe dans la région swahiliphone de la RDC lui avait valu le poste de commissaire du gouvernement pour le processus de paix dans la région des Grands Lacs au début des années 2000. Et depuis les années 1990, que le pouvoir penche pour les Kabila ou pour les Tshisekedi, Kamerhe représente simplement… l’est du Congo. Ce n’est pas pour rien que ses partisans de l’Union pour la nation congolaise (UNC) l’appellent « le faiseur de rois » ou encore « le pacificateur », lui qui dispose d’un réservoir de voix oscillant entre 1,4 et 1,5 million de suffrages.
Précision : l’avantage de Kamerhe est que, contrairement à l’ancien manitou du renseignement François Beya, on ne lui allègue aucune relation officieuse avec les autres Etats de la région.
Seulement, les accusations de détournement de fonds ayant visé Vital Kamerhe depuis 2020 ont été le coup d’envoi, à la fois, de l’implosion de l’Union sacrée et de la « guerre contre la corruption » de Félix Tshisekedi. Au sein de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti du président, la libération de Kamerhe est donc très, très impopulaire.
Une pièce du jeu d’échecs de Tshisekedi
D’un autre côté, si Félix Tshisekedi comptait gracier Kamerhe, il n’aurait pas pu choisir un meilleur moment. Dans l’est congolais, la guerre fait rage : opération antiterroriste conjointe avec l’Ouganda contre le groupe rebelle des Forces démocratiques alliées (ADF). Puis, depuis des mois, l’offensive du groupe M23, soutenu selon les forces armées congolaises (FARDC) et les Nations unies par le Rwanda de Paul Kagame.
Tout cela se passe, évidemment, sur le territoire de Vital Kamerhe. De Beni à Goma, et jusqu’à la frontière burundaise, l’élite kinoise n’a aucun contrôle sur la région frontalière avec l’Ouganda et le Rwanda. Par ailleurs, en plein conflit entre la RDC et le M23, des tensions interethniques ont grandement compliqué les choses pour le gouvernement et l’armée. Une intervention politique résoudrait, déjà, ce problème.
Et, forcément, le retour de Vital Kamerhe devrait permettre d’améliorer la situation dans la région. Et permettre, par la même occasion, à « Fatshi » de ne pas perdre trop de terrain sur le plan politique.