Alors que le Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah assure que l’élection présidentielle en Libye aura bel et bien lieu, celui-ci se prépare, en coulisse, à tout mettre en œuvre pour garder le pouvoir après la non-tenue du scrutin du 24 décembre.
Seul contre tous. Le Premier ministre libyen Abdel Hamid Dbeibah a déclaré, dimanche, que l’élection présidentielle du 24 décembre aurait bel et bien lieu. Une réponse au Haut Conseil d’Etat (HCS), qui avait appelé, jeudi, au report de l’élection, alors que la Haute Commission électorale nationale (HNEC) s’est dite dans l’incapacité de publier une liste définitive des candidats à cause de nombreux « doutes juridiques persistants ».
Ces doutes juridiques concernent, notamment, la candidature d’Abdel Hamid Dbeibah, qui a dû faire face à de nombreux recours devant la justice. Selon la loi électorale, les hauts responsables de l’Etat devaient démissionner de leurs fonctions trois mois avant la date de l’élection s’ils voulaient être candidats. Une condition que Dbeibah n’a pas remplie. Sans oublier, évidemment, que l’accord de cessez-le-feu, suite auquel Dbeibah a été désigné Premier ministre par les délégués du Forum de Genève, ne permet pas, en théorie, au chef du Gouvernement d’unité nationale (GNU) de se présenter aux futures élections.
Toutefois, le Premier ministre libyen est sur tous les fronts pour s’accrocher au pouvoir. Le chef du sénat, Khaled al-Michri, a déclaré hier : « Nous n’acceptons pas la candidature de Dbeibah, ni le fait que des lois soient promulguées dans l’intérêt de Dbeibah. Nous n’acceptons pas, non plus, qu’un chef de gouvernement, dilapide des milliards pour paraître présidentiable. Il fallait que Dbeibah respecte le pacte qu’il a signé, grâce auquel il a obtenu son poste : ne pas se présenter à la prochaine élection ».
Lobbying à l’international
Mais Dbeibah semble déterminé à forcer la tenue d’un scrutin, pourtant désormais illégal puisque la liste des candidats n’a pas été publié dans les délais et que la campagne présidentielle, qui devait débuter le 9 décembre, n’est pas officiellement lancée. D’autant que sa candidature est sans doute la plus contestée, plus encore que celles de Haftar et de Kadhafi.
Quoi qu’il arrive, Dbeibah compte bien s’accaparer le pouvoir. Et il a déjà, face à lui, deux options. La première : tout faire pour que l’élection ait lieu. Mais Dbeibah s’est également lancé dans une autre campagne : il cherche à regagner son poste de Premier ministre si le scrutin n’a pas lieu… ou s’il n’est pas élu.
Pour arriver à ses fins, Abdel Hamid Dbeibah cherche des soutiens dans le pays. D’un côté, il s’est rapproché du chef de l’état-major du GNU Mohamed al-Haddad. Les deux hommes ont assisté ensemble à deux cérémonies de nomination d’officiers dans l’armée libyenne en septembre et en octobre. Dbeibah s’est également déplacé aux Emirats arabes unis (EAU) vendredi dernier, selon le quotidien israélien The New Arab. Le jour suivant, selon le même média, Khalifa Haftar a aussi atterri dans la capitale des Emirats.
Selon des sources du Journal de l’Afrique, Dbeibah aurait également visité la capitale ougandaise Kampala, il y a deux semaines. Il aurait assuré au président ougandais que l’élection aurait bien lieu. Le même jour, le chef d’état-major du GNU, Mohamed al-Haddad, a rencontré son homologue de l’est libyen, commandant des forces de l’ANL de Khalifa Haftar, Abderrazak Nadhouri, à Syrte.
Des mouvements du clan Dbeibah en vue d’un rapprochement avec Haftar, qui s’inscrivent dans une stratégie décrite par Africa Intelligence ce matin. Le média annonce, en effet, que l’ambassadrice britannique Caroline Hurndall « cherche à fédérer les candidats à l’élection présidentielle pour anticiper le scénario d’un report du scrutin ». Un plan qui aurait été « élaboré sans la bénédiction de la France et des Etats-Unis » et qui serait « favorable au Premier ministre Abdel Hamid Dbeibah ».