Après plusieurs mois de procédures judiciaires, la Haute Cour de Londres a estimé que l’envoi de demandeurs d’asile au Rwanda était légal.
La Haute Cour de Londres vient d’officialiser la légalité du plan du Royaume-Uni qui vise à expulser des migrants et réfugiés demandeurs d’asile vers le Rwanda. Si la décision peut encore être contestée devant les tribunaux, Kigali peut donc devenir la terre d’accueil des demandeurs d’asile d’Angleterre, comme cela avait déjà été annoncé en avril dernier. Plusieurs demandeurs d’asile, mais également un syndicat de fonctionnaires de garde-frontières avaient contesté l’annonce faite, à l’époque, par le Premier ministre d’alors, Boris Johnson. Alors que la ministre anglaise de l’Intérieur, Priti Patel, s’était rendue au Rwanda pour finaliser cet accord, les ONG britanniques avaient déploré l’« inhumanité » de leur gouvernement, tout comme la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).
Entre Londres et Kigali, l’accord part sur une période de cinq ans, pendant laquelle les demandeurs d’asile qui arriveront au Royaume-Uni seront envoyés au Rwanda lors d’un aller simple. C’est le Rwanda qui décidera si ces demandeurs peuvent obtenir ou non le statut de réfugié et ainsi rester dans le pays est-africain. En cas de refus, ils pourront tout de même demander à s’installer au Rwanda ou dans un autre pays. Sont concernées les personnes qui fouleront le sol anglais par « des méthodes illégales ou dangereuses ». De quoi concerner les réfugiés qui tenteront d’emprunter, sans papiers, le Tunnel sous la Manche ou des ferries. Plus de 44 000 personnes ont déjà emprunté cette voie pour se rendre au Royaume-Uni cette année. Un record.
Un billet simple pour une dictature sanguinaire ?
Le verdict de la Haute Cour de Londres interpelle en tout cas les ONG humanitaires. Ces dernières estimaient, depuis avril, qu’il était contre les droits humains que d’autoriser le Royaume-Uni à envoyer ses réfugiés dans un « État autoritaire avec des niveaux de surveillance extrêmes » et qui « torture et assassine ceux qu’il considère comme ses opposants ». La Cour en question a indiqué que le programme initié par Boris Johnson n’allait pas à l’encontre de la Convention des Nations unies sur les réfugiés, ni les lois qui concernent les droits de l’Homme. Mais la Haute Cour a nuancé son propos, demandant que soient réétudiés les cas de huit demandeurs d’asile qui devaient être envoyés au Rwanda.
Du côté de l’Angleterre, on espère pouvoir accélérer la mise en place du plan de déplacement des demandeurs d’asile. La ministre de l’Intérieur, Suella Braverman, indique que son « rêve » est de faire décoller un vol vers le Rwanda avant Noël . Si elle se dit « prête à se défendre contre toute nouvelle contestation judiciaire », il faudra cependant sûrement attendre un potentiel appel, en janvier prochain. De quoi provoquer la colère du gouvernement britannique, qui espérait pouvoir envoyer avant le mois de juin dernier « toute personne entrant illégalement au Royaume-Uni », sans limite de nombre. Selon les dires du Rwanda, Kigali peut traiter 1 000 dossiers de demandeurs d’asile pendant la période d’essai de l’accord, mais cela pourrait aller au-delà.
Une opération, en tout cas, qui provoque un tollé. Même la compagnie aérienne qui avait contractualisé avec le gouvernement pour envoyer les demandeurs d’asile au Rwanda, Privilege Style, s’est retirée, résiliant son contrat avec le ministère de l’Intérieur. Le deal entre Londres et Kigali a déjà coûté 140 millions de livres sterling au Royaume-Uni. Londres se dit prêt à payer plus si le Rwanda arrive à traiter un nombre plus important de dossier de demandeurs d’asile.