Seule candidate à sa propre succession, la Rwandaise Louise Mushikiwabo va conserver son poste de secrétaire générale de la Francophonie en novembre prochaine.
L’ancienne ministre rwandaise des Affaires étrangères et actuelle secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), Louise Mushikiwabo, est souriante depuis quelques jours. Et pour cause, candidate à sa propre succession, la Rwandaise devrait rempiler pour un nouveau mandat à la tête de l’OIF.
Le 23 août dernier, au moment de la clôture des candidatures, Louise Mushikiwabo a su qu’elle serait certaine d’être réélue. Seule candidate en lice, elle sera auditionnée lors d’une session extraordinaire de la Conférence ministérielle de la Francophonie (CMF) le 6 octobre prochain avant d’être logiquement élue le 20 novembre, lors du Sommet de Djerba, en Tunisie.
En 2018, une élection controversée
Quatre ans après son arrivée à la tête de l’OIF, cette réélection représente une nouvelle victoire diplomatique pour le Rwanda. Le pays de Paul Kagame cherche, ces dernières années, par tous les moyens, à accroître son influence en Afrique, mais également dans le monde. Lors de sa victoire en 2018, Mushikiwabo avait fait l’objet d’un lobbying intense de la part de Kigali. La victoire contre la Canadienne Michaëlle Jean n’avait été qu’une formalité.
Et les soucis de 2018 devraient laisser place à des retombées moins négatives pour la Rwandaise, du fait qu’elle soit candidate unique. Car à l’époque, l’élection d’une personnalité rwandaise à la tête de l’OIF n’avait pas vraiment été bien vue au sein de la communauté internationale francophone.
Car Louise Mushikiwabo, avant de porter l’OIF, fut ministre des Affaires étrangères de Paul Kagame, de 2009 à 2018. Neuf années pendant lesquelles elle a porté le discours rwandais à l’international. Or, « en portant depuis des années la politique extérieure rwandaise, est totalement identifiée à un régime défiant nombre des principes fondateurs de la francophonie », résumait Le Monde en 2018.
Traque et arrestations d’opposants,voire exécutions… Le régime de Kagame est en effet bien éloigné de l’image qu’il renvoie. D’ailleurs, pour faire élire Louise Mushikiwabo, sous pression de ses partenaires, dont la France, Kigali avait libéré 2 000 prisonniers politiques en septembre 2018.
Le grand écart du Rwanda entre Commonwealth et OIF
Autre grief fait au Rwanda : ce pays ne s’illustre plus vraiment dans la défense de la langue française. Et pour cause, l’anglais est devenu en 2003 l’une des trois langues officielles du Rwanda. Surtout, la langue de Shakespeare a remplacé le français en 2010 dans son rôle de langue de scolarisation.
En 2018, Louise Mushikiwabo avait bénéficié d’un soutien presque inconditionnel de la part de Paris, qui tentait de renouer avec Paul Kagame après trois années de rupture entre la France et le Rwanda.
Aujourd’hui, la situation rwandaise n’est pas forcément meilleure, en termes de démocratie, qu’à l’époque. Mais entre Paris et Kigali, les relations se sont largement réchauffées. Reste que la situation qui se présente est assez cocasse : au moment où le Rwanda prend la présidence tournante du Commonwealth, pour les deux prochaines années, l’OIF est également dirigée par une Rwandaise.
« En accueillant le sommet du Commonwealth pendant qu’une Rwandaise dirige l’OIF, Paul Kagame fait bouger les lignes de la géopolitique en Afrique », résume l’universitaire rwandais Jean-Pierre Karegeye. Le président rwandais a en tout cas parfaitement appris à naviguer entre les ex-puissances coloniales que sont la France et le Royaume-Uni.