Le rap est indiscutablement le genre musical plus populaire en Afrique du Nord. Les rappeurs arabophones ont d’ailleurs le vent en poupe. Une nouvelle génération du rap maghrébin rejetée par l’Occident, mais qui fait un carton notamment auprès de la diaspora.
Rim’K, Tunisiano, Médine, Fianso, La Fouine… A l’instar des rappeurs congolais, sénégalais ou ivoiriens, les rappeurs maghrébins ou d’origine maghrébine sont nombreux à avoir conquis la scène francophone ou même la scène mondiale.
Dans les années 1990 et 2000, ces mêmes artistes dominaient également la scène du rap dans leurs pays d’origine. Cependant, entre 2009 et 2013 environ, une nouvelle génération de rappeurs a émergé au Maroc, en Algérie et en Tunisie. Des rappeurs arabophones à leurs débuts, qui ont fait le pont entre le « rap de cité » parlant des problèmes de la diaspora et le rap underground maghrébin, qui était alors au stade de « rap conscient ».
Certains, comme le Marocain French Montana, l’Algérien Soolking et le Tunisien Ghali ont finalement rallié la scène occidentale. Que ce soit aux Etats-Unis, en France ou en Italie, les trois rappeurs sont aujourd’hui des valeurs sûres, avec des degrés différents de réussite.
Toutefois, cette mouvance des « porte-drapeau » du rap maghrébin a laissé un vide à combler. Ainsi, et avec l’émergence de la Trap, de nouveaux noms ont émergé par dizaines dans les trois pays du Maghreb. Néanmoins, cette nouvelle garde du rap maghrébin penche plutôt pour la langue arabe. Ou, plutôt, la « darija », les dialectes oraux du Maghreb. Un choix artistique qui n’est pas uniquement destiné à la consommation locale.
Les avant-coureurs du nouveau rap maghrébin
En 2021, le rappeur marocain Taha Fahssi, « ElGrande Toto » de son nom de scène, s’est emparé de la première place des charts de la région MENA (Afrique du Nord et Moyen-Orient). Que ce soit sur Spotify ou Deezer, l’artiste marocain a mis la tendance au goût du jour.
Un autre rappeur, le Tunisien Balti, a dépassé la barre des 700 millions de vues sur YouTube en 2017 pour l’un de ses clips. Le chanteur a également un succès phénoménal pour une dizaine d’autres chansons, parmi lesquelles « Ya Hasra », « Maghrébins » et « Clandestino ».
En Algérie, le chanteur et rappeur Mouh Milano est encore plus constant. Avec des chiffres oscillant entre 100 millions et 400 millions de vues pour ses clips, et toujours dépassant le million de streams sur Spotify, c’est un autre précurseur de cette génération de rappeurs maghrébins arabophones.
Non seulement ces rappeurs ont ouvert la voie du succès à leurs compatriotes, mais ils ont aussi créé un nouvel establishment de rap au Maghreb. De plus en plus, les rappeurs algériens, tunisiens et marocains collaborent dans des featuring. Et, à défaut, les réactions des internautes sur les centaines de titres solo ont édifié une nouvelle classe d’influenceurs sur les réseaux sociaux.
Un rap maghrébin qui s’arabise ou qui abandonne la francophonie ?
Ce n’est donc pas une surprise lorsque les artistes d’origine maghrébine avec un succès mondial, comme DJ Snake ou encore le duo PNL font leurs lettres d’amour à leur pays d’origine, adoptant des compositions ou des paroles en arabe. Au-delà de l’enjeu socio-politique de revendiquer ses origines, il existe également un public qui a faim de production.
Les « rappeurs du Bled » le savent, et l’exploitent à fond. A titre d’exemple : Didine Canon 16, MC Artisan et Krilino (Algérie) ; Klay Bbj, Sanfara et Samara (Tunisie) ; ainsi que L7or, Lbenj et 7Liwa (Maroc) percent tous sur la scène du rap. Leur style est plus moderne, tous chantent en dialecte maghrébin, et ne rechignent pas à se diversifier du rap conscient au rap commercial.
Malgré cela, de nombreux rappeurs émergent dans les trois pays nord-africains. Il y a clairement des places à prendre. Les productions, elles, sont situées dans les pays d’origine, comme ce fut le cas avec le raï dans les années 1990. Clairement, la nouvelle garde du rap maghrébin n’a pas l’envie d’exporter son produit vers le Nord, et sa musique est sans équivoque dirigée vers les pays arabes.
Peut-être est-ce le déclin de la francophonie ou la difficulté croissante de l’émigration régulière en Occident qui sont en cause pour cette tendance. En tout cas, même en adoptant des mots étrangers dans leurs punchlines, cette génération de rappeurs penche plus pour la Lingua Franca, que vers la langue de la colonisation. Un phénomène politique donc ? Probablement…