Le ministre malien des Affaires religieuses, Mamadou Koné, et le représentant du Haut Conseil islamique (HCI), Moufa Haidara, ont déclaré que le Mali allait discuter avec les chefs locaux d’al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), dans le but d’établir un cessez-le-feu durable.
Négocier avec les terroristes d’AQMI est un pas que plusieurs pays du Sahel hésitent à franchir. Les seuls Etats qui ont négocié — avec succès — une trêve avec le groupe terroriste ont été le Niger en 2019, sous la présidence de Mahamadou Issoufou, et, en 2020, le Burkina Faso.
L’activité d’AQMI au Sahel est beaucoup moins violente qu’elle l’a été en Afrique du Nord entre 2006 et 2016. Les responsables sont eux aussi différents. Au Mali, les revendications du groupe terroriste sont d’ailleurs principalement politiques.
Depuis le début de la transition au Mali, les principaux chefs d’AQMI — Iyad Ag Ghali, chef du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), et Amadou Koufa, chef de la Katiba Macina — ont montré leur prédisposition à faire la paix avec l’Etat malien.
Et sous l’égide de la Coordination algérienne des services de sécurité (CSS) et du Haut Conseil islamique (HCI) malien, le 14 mars dernier, l’accord de Niono a vu le jour. Pendant six semaines, le centre malien était à nouveau paisible. Toutefois, le 28 avril, l’aviation française de Barkhane, soutenue par le président malien de la transition, renversé depuis, Bah N’Daw, a bombardé le cercle de Niono, tuant à la fois des membres de la Katiba Macina et des civils.
Ce que le Mali a à y gagner
Aujourd’hui, le Mali, qui commence à s’éloigner d’une influence française jugée néfaste, voudrait faire renaitre l’accord de Niono. Mais cette fois, le cessez-le-feu aura une étendue nationale. A la barre des pourparlers : le HCI et le ministère des Affaires religieuses, vient d’annoncer le gouvernement malien.
Du côté du GSIM et de la Katiba Macina, l’enjeu est clair : les membres des deux groupes cherchent à se protéger d’éventuelles poursuites pour leurs crimes commis au Mali depuis 2013. Pour l’Etat malien, il s’agit de négocier une paix durable. Cependant, la junte souhaite également empêcher Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa de rejoindre l’Etat Islamique dans le Grand Sahara (EIGS) qui, avec la mort de son chef, Adnane Abou Walid al-Sahraoui, cherche désormais à globaliser son activité en consolidant son alliance avec l’Etat Islamique dans l’Afrique de l’Ouest (EIAO).
Aujourd’hui, l’organisation EIAO est dirigée par le Nigérian Abou Abdallah Idrisa, également chef de Boko Haram. S’il est important, pour les Etats sahéliens, de s’extirper de la menace terroriste de façon définitive, il est encore plus urgent d’empêcher que tout ce petit monde se rassemble sous le même commandant.
Une simple considération s’impose : AQMI est en perte de vitesse, et ses deux derniers chefs dans le Sahel, Ag Ghali et Koufa, ont manifesté leur volonté de faire la paix. En l’occurrence, la libération de la religieuse colombienne Gloria Narvaez, la semaine dernière, par Ag Ghali, a été fait sans qu’aucune contrepartie ne soit requise. Ce qui ressemble fort à un cadeau du GSIM en direction du Mali et une façon de lancer les pourparlers.
Le peuple favorable au dialogue
Ainsi donc, le gouvernement malien a dépêché le HCI, avec Moufa Haidara, un négociateur reconnu dans la libération des otages, ainsi que le ministre des Affaire religieuses, Mamadou Koné, pour diriger les négociations.
Selon le gouvernement, Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa prendront personnellement part aux discussions. Rien n’indique une médiation algérienne, comme dans le cas de l’accord de Niono. Mais avec les indépendantistes de l’Azawad, qui font désormais partie du gouvernement malien — on compte deux ministres —, tout porte à croire que les dirigeants de l’est malien, ainsi que l’armée algérienne, ne verront pas d’inconvenants à accepter le cessez-le-feu entre le Mali et AQMI.
Le ministre des Affaires religieuses, Mamadou Koné, assure qu’il s’agit d’« une demande populaire, il ne s’agit pas de tergiverser. L’écrasante majorité de la population malienne l’a demandé avant même la transition ». Du côté du HCI, Moufa Haidara a appelé à « trouver un compromis, entre Maliens, pour que la guerre cesse ».
Seul point d’ombre : la France, qui fera certainement tout pour saboter les pourparlers. Après avoir fragilisé le précédent accord, la France avait déjà cherché à mettre fin aux pourparlers entre la Katiba Macina et l’Etat burkinabé en février dernier. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, avait alors ouvertement menacé le Burkina Faso de cesser les relations diplomatiques si les négociations avec les groupes terroristes se poursuivaient.