Alors que les pays de l’OPEP peinent à augmenter la production de pétrole, le cours du brut redescend, atteignant moins de 100 dollars ce jeudi. Une chute de 9% environ survenue depuis le décès du secrétaire général de l’OPEP, le Nigérian Mohammed Barkindo.
Entre la chute de la demande chinoise en pétrole, et le redressement du dollar américain, les prix de pétrole ne cessent de chuter depuis deux semaines. Un revers inattendu, alors que les cours du pétrole rebondissaient, le 4 juillet dernier, arrivant à plus de 110 dollars pour le baril de Brent comme de WTI.
Toutefois, le lendemain, le secrétaire général sortant de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), le Nigérian Mohammed Barkindo, décédait. Depuis, les cours de pétrole ne cessent de chuter. Le prix du Brent a baissé de 9,5 % au lendemain de ce décès. Quant au WTI, il est aujourd’hui à un peu plus de 95 dollars.
Les deux cours se sont retrouvés en-dessous du seuil des 100 dollars la semaine dernière, descendant encore cette semaine. Les spécialistes de la holding JP Morgan Chase s’attendent toutefois à ce que le baril baisse jusqu’à 65 dollars avant fin 2022, jusqu’à atteindre 45 dollars en 2023.
Le décès de Barkindo n’a pas été avancé comme un facteur de cette chute des prix de pétrole par les manitous de Wall Street.
Toutefois, Mohammed Barkindo a non seulement été l’artisan de l’OPEP+, notamment la réintégration de la Guinée équatoriale, du Congo et du Gabon au sein de l’organisation, mais avait aussi jugulé plusieurs crises entre les pays producteurs. Son décès a donc sans doute créé une certaine frayeur chez les pays consommateurs, notamment les Etats-Unis.
Mohammed Barkindo, le marionnettiste subtil de l’OPEP
En effet, Mohammed Barkindo a tout traversé au sein de l’OPEP. La récession de 2016, les tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite, la guerre entre les pays exigeant la régulation et les autres — comme l’Equateur ou le Nigéria — qui peuvent s’en passer…
Pour le meilleur comme pour le pire, Mohammed Barkindo a bien joué l’apaisement dans tous ces conflits. Gardant non seulement l’intégrité de l’OPEP, mais y amenant de nouveaux pays-membres en plus. Une diplomatie qui lui a valu son second mandat.
Peu avant le début du conflit entre la Russie et l’Ukraine, Mohammed Barkindo a laissé sa place au Koweïtien Haitham Al-Ghais. Lorsque ce dernier représentait la Kuwait Petroleum Corporation (KPC) en Chine, Mohammed Barkindo était membre du conseil de l’OPEP chargé des relations avec la Chine. Il aurait été un mentor et un protecteur pour Al-Ghais, et a soutenu sa candidature en dépit du mécontentement des Emirats arabes unis et de l’Arabie saoudite.
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En contrepartie, Mohammed Barkindo avait convaincu le Venezuela, le Congo, l’Angola et l’Algérie d’augmenter leur production, en plus du Koweït et du Nigéria évidemment. Le but était, pour Barkindo, de ne pas créer une scission entre les membres de l’OPEP et ceux du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF). Mais également de rassurer les premiers consommateurs de pétrole dans le monde : les Etats-Unis qui craignaient de devoir céder devant les lobbys pétroliers texans au vu de la baisse de production, et la Chine qui veut avant tout que l’expansion du GECF et de l’OPEP se fassent sans froisser les EAU et l’Arabie saoudite.
En effet, les pays Occidentaux et leurs alliés traditionnels au sein des deux organisations énergétiques « sortent perdants » de la crise mondiale. Alors que de leur côté, l’Algérie, le Qatar, l’Angola et le Koweït ne cessent de se rapprocher. L’Inde aussi, qui est devenue la cible préférée de plusieurs pays exportateurs de pétrole, profite grandement des commissions sur le marché financier.
La chute du cours de pétrole, une très mauvaise nouvelle en Afrique
Donc avec le décès de Mohammed Barkindo, l’équilibre au sein de l’OPEP est plus menacé que jamais. La Chine, qui est le premier partenaire commercial du Koweït, devrait garder le nord avec Haitham Al-Ghais qui contrôle la régulation de la production. Mais les Etats-Unis, eux, semblent prendre un pas en arrière. Le trading dans le secteur pétrolier est en chute libre, malgré la hausse du dollar. Wahsington prend donc clairement le risque d’augmenter davantage les prix des produits pétroliers, se cachant derrière une volonté de temporiser les achats, le temps que la production rattrape la demande.
Un maniement du pétrodollar qui n’est pas inédit pour les Etats-Unis. Mais qui risque d’énerver, surtout en Afrique.
En effet, l’Algérie, le Congo-Brazzaville et l’Angola en particulier comptent énormément sur la montée des prix pour d’autres enjeux politiques et diplomatiques. Pour l’Algérie, il s’agit de trouver des investisseurs européens assez courageux – désespérés ? – pour investir dans le gazoduc AKK. Ce dernier, qui traversera le Niger et le Nigéria, donne en contrepartie à l’Algérie un certain degré de contrôle sur l’exploration du pétrole en Afrique subsaharienne. C’est également un projet concurrent de la Dorsale Atlantique – le pipeline Nigéria-Maroc – financé par l’OPEP.
En ce qui concerne le Congo, qui préside actuellement la Conférence de l’OPEP, il verra sa coopération avec l’Algérie et l’Italie menacée par la baisse des cours de pétrole. Quant à l’Angola, dont le président João Lourenço joue son second mandat le 24 août prochain, la baisse des cours de brut menacent jusqu’à la paix sociale. En effet, le PIB angolais en dépend, et les caisses de l’Etat sont dans le rouge depuis 2014, malgré la hausse de développement.