Accusé de l’assassinat du journaliste Norbert Zongo, le frère de Blaise Compaoré, François, pourra être extradé au Burkina Faso, a décidé le Conseil d’Etat français ce 30 juillet 2021.
Une victoire pour le Burkina Faso. Les autorités administratives françaises ont finalement accédé à la demande de Ouagadougou, dans l’affaire du meurtre du journaliste Norbert Zongo. Le Burkina Faso demandait l’extradition de François Compaoré, frère de l’ancien président Blaise Compaoré, pour qu’il soit jugé sur place. Le Conseil d’Etat français a décidé, en dernier recours, d’autoriser l’extradition de François Compaoré.
Il s’agissait en effet, pour celui que l’on surnomme « Le petit président », du dernier recours pour éviter l’extradition. L’épilogue d’un long feuilleton judiciaire : François Compaoré avait été interpellé à Paris en octobre 2017. Le dauphin désigné de l’ex-président burkinabè était visé par un mandat d’arrêt international émis par la justice du Burkina Faso. A Ouagadougou, le Ministère public accusait l’homme fort du régime Compaoré de l’assassinat du journaliste d’investigation Norbert Zongo, fondateur du journal L’Indépendant, et de trois de ses compagnons. Des faits qui remonteraient à 1998.
Dans ce dossier délicat, la justice française avait pris une première décision, acceptant l’extradition de François Compaoré, en décembre 2018. Toutefois, la défense de l’accusé avait formé un pourvoi en cassation, rejeté en juin 2019 par la Cour. En mars 2020, le Premier ministre français de l’époque, Edouard Philippe, avait signé un décret d’extradition, que le Conseil d’Etat français a validé hier.
François COMPAORE extradé. La Roue tourne.!!! Naturellement. pic.twitter.com/0w0e1ToyLs
— Konaté Navigué (@KonateNavigue) July 30, 2021
Une victoire symbolique pour le Burkina Faso
La justice du Burkina Faso va désormais pouvoir traduire François Compaoré en justice. Mais il s’agit déjà d’une première victoire pour le pays, dont le peuple réclamait majoritairement l’extradition du frère de son ancien président. La société civile et les opposants de Blaise Compaoré, dont une partie des membres se situent dans le camp de Roch Marc Christian Kaboré, l’actuel chef de l’Etat – réclament que les deux frères soient rapatriés à Ouagadougou pour répondre de leurs actes.
Pour Blaise Compaoré, cela s’annonce difficile : l’ancien président est aujourd’hui en Côte d’Ivoire, où il a obtenu la nationalité. Pour François Compaoré, outre le meurtre de Zongo et de ses camarades, d’autres nombreux crimes auraient été commandités par ses soins, notamment contre des activistes, durant le règne de son frère. Le régime Compaoré est au centre de plusieurs affaires : corruption, détournements de fonds, actes de répression. L’ancien président, Blaise Compaoré, est par ailleurs accusé d’être impliqué dans le meurtre de Thomas Sankara, qui représentait l’espoir d’un Burkina Faso souverain et prospère depuis les années 1980. Trente-quatre ans plus tard, Compaoré a fini par être inculpé par la justice du Burkina Faso, même si l’on sait qu’il ne participera pas au procès.
A défaut de Blaise, le Burkina attend donc le retour de François. Mais la défense du « petit président » estime que ce dernier pourrait être « tué en cellule ». Son avocat, François Briard, décrit le Burkina Faso comme « dévasté par l’insécurité » et estime que la justice y est « délabrée et corrompue ». Le président du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP), Chrysogone Zougmoré, tient une position plus nuancée. Si Zougmoré aurait préféré que François Compaoré « rentre de sa propre initiative », il estime aussi que « sous le régime (des Compaorés, ndlr) où Norbert Zongo et ses compagnons ont été assassinés, les vies étaient simplement ôtées à ceux qui dénonçaient les abus et travers du pouvoir ». Pour l’artiste et activiste Smockey, du mouvement Balai Citoyen, l’extradition de François Compaoré sera « une leçon pour ces roitelets qui se croient intouchables ».
Urgent !!!
Le Conseil d'État français vient de valider l'extradition vers le #BurkinaFaso de François Compaoré, poursuivi dans l'affaire de l'assassinat du journaliste #NorbertZongo. pic.twitter.com/BWDHPR8UPF— CENOZO (@CENOZO_Afrique) July 30, 2021