Dans les années de Guerre froide, les partis communistes ont fleuri partout en Afrique, jusqu’à s’imposer dans une dizaine de pays du continent. Mais aujourd’hui, le communisme existe-t-il encore dans le paysage politique africain ?
Partout où il est passé, le communisme n’est plus ce qu’il était. En perte de vitesse en Amérique du Sud, cette idéologie politique vivote en Europe. Dans l’Hexagone, La France Insoumise a réuni à peine 10 % des suffrages. Un score qui pourrait sembler honorable s’il n’était pas simplement dû à la gouaille de Jean-Luc Mélenchon. Quant au Parti communiste français, il a lui quasiment disparu des radars. Chaque année, la Fête de l’Humanité semble être le refuge des derniers communistes du pays, qui invitent leurs camarades africains à se joindre à eux. Mais le communisme en Afrique a-t-il vraiment encore de l’avenir ?
Le terme de « communisme » n’est en réalité pas très répandu sur le continent, dans les appellations des partis politiques. Mais l’idéologie persiste malgré tout, notamment dans le cercle des militants droit-de-l’hommistes. Interrogé par BBC, le secrétaire général du Parti sénégalais de l’indépendance et du travail Samba Sy en est d’ailleurs certain : « Est-ce que l’aspiration au progrès, à la liberté, à l’égalité et à la justice sociale est toujours en cours en Afrique ? Il me semble qu’en Afrique et comme partout dans le monde, ces aspirations sont éternelles », résume-t-il.
La Guerre froide et l’âge d’or du communisme
Pourtant, les événements montrent que cette idéologie est, comme partout ailleurs, proche de l’utopie : « Cette envie de plus de liberté, d’une vie davantage humaine et de fraternité ne peut que demeurer en Afrique et ailleurs, en dépit des séquences historiques qui peuvent donner le sentiment qu’elle n’existe plus », nuance Samba Sy. Le retour du communisme en Afrique ne serait donc qu’une question de temps… « Tous les partis communistes, à part quelques-uns, avaient une seule boussole, c’était l’Union soviétique. Que ce soit les pays d’Afrique, la France ou la Belgique, ils sont toujours en train de payer cette situation », déplore un membre du Parti de l’avant-garde démocratique socialiste, le parti à tendance communiste au Maroc.
Il faut dire que l’Afrique a souvent servi de faire-valoir aux deux blocs, notamment lors de la Guerre froide. A l’époque, les régimes africains sont, pour la plupart, fragiles. L’URSS s’implante peu à peu sur le continent pour contrer un Occident en quête de matières premières. Dans les années 1980, Cuba s’intéresse aussi également à l’Afrique : une quinzaine d’années après la révolution ratée du Che Guevara au Zaïre, les forces de Fidel Castro interviennent en Angola et au Mozambique. Les militants communistes sont alors nombreux : ils ont été les fers de lance de la décolonisation, trente ans plus tôt. Appelant à se mettre « debout, les damnés de la terre », comme le dit « L’internationale », les communistes occidentaux ont réussi à convaincre les nationalistes africains de se libérer du joug des pays colonisateurs. « Les syndicats communistes ont initié des gens comme Um Nyobe, qui sont de grands nationalistes, au combat pour la lutte des indépendances », indique Marianne Simon-Ekane, membre du Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la démocratie (Manidem).
Que reste-t-il aujourd’hui du communisme en Afrique ?
Un vent de communisme a donc bel et bien soufflé sur l’Afrique de l’Ouest au XXe siècle. Comme en 1969, lorsque le marxiste-léniniste Denis Sassou N’Guesso fonde le Parti congolais du Travail (PCT). En tout, les régimes marxistes-léninistes triompheront dans une dizaine de pays du continent pendant la Guerre froide, comme l’Angola, le Bénin, le Mozambique ou encore, donc, le Congo-Brazzaville. Quelques décennies plus tôt, le Sénégalais Lamine Senghor et le Nigérian Franck Macaulay furent les premiers à adhérer au communisme. Au début des années 1920, sous l’impulsion de l’URSS, des pays comme l’Egypte ou l’Afrique du Sud se dotent de partis communistes. Mais à la fin des années 1980, la Russie ferme le robinet, accélérant la mort des partis communistes. L’Afrique se tourne alors vers le socialisme.
En Tunisie, le Parti communiste des ouvriers (PCOT), une formation politique d’idéologie marxiste-léniniste, s’est transformée en un parti de la gauche caviar, symbolisée par l’attentisme de son leader, Hamma Hammami. Le Parti communiste algérien (PCA) est, lui, devenu un parti socialiste parmi tant d’autres sur le continent. Seul l’Afrique du Sud abrite aujourd’hui encore plusieurs formations politiques se réclamant du communisme et perpétuant une idéologie bien ancrée à gauche. Mais les autres formations africaines, elles, se sont tournées vers une Internationale socialiste au rouge bien pâle depuis quelques décennies. Parmi elles, des partis comme le FPI de Laurent Gbagbo ou l’USFP au Maroc. Pour un véritable clivage droite-gauche en Afrique, il faudra repasser.