Accusé de soutenir les putschistes au Niger, l’ancien président Issoufou assure être du côté de Bazoum. Mais entre les deux ex-chefs de l’État, les relations s’étaient dégradées ces derniers temps.
Il a longtemps poussé Mohamed Bazoum, jusqu’à le propulser président du Niger. Mahamadou Issoufou, ex-chef de l’État du pays ouest-africain, est désormais assis entre deux chaises : d’un côté, son ex-dauphin qui vient d’être déposé par l’armée ; de l’autre, un général, Abdourahamane Tchiani, qu’il connaît bien. Avant le putsch au Niger, Bazoum envisageait de remplacer le militaire à la tête de la garde présidentielle, où Issoufou l’avait installé en 2011.
Accusé de soutenir Tchiani, voire d’avoir aidé les militaires à s’installer, Issoufou est finalement sorti du silence. Trois semaines après le coup d’État, l’ex-président a affirmé qu’il réagissait « très mal » à ces accusations. « Mon exigence n’a jamais varié. Je demande la libération du président Mohamed Bazoum et sa restauration dans ses fonctions », a-t-il notamment indiqué.
Alors qu’il « garde l’espoir d’une sortie de crise pacifique et négociée », Issoufou estime que « ceux qui propagent ce type de rumeurs sont ceux qui, dès le premier jour, ont cherché à nous diviser, Bazoum et moi. Mais notre amitié a toujours été plus forte que cela ». Sauf qu’il ne s’agit pas aujourd’hui d’amitié, mais de politique.
Et politiquement, justement, le silence d’Issoufou montre qu’il est loin d’avoir un avis aussi tranché qu’il le dit. Plusieurs chefs d’État ouest-africains avaient pourtant espéré que l’ex-président nigérien sortirait rapidement du silence pour condamner le putsch. Or, il ne l’a pas fait.
Et le fait que Mohamed Bazoum tente de réformer l’appareil sécuritaire, et donc de déloger le général Tchiani qui avait servi Issoufou lors de ses deux mandats, montre que tout n’est pas aussi rose qu’on pourrait le croire. D’ailleurs, lors d’échanges avec quelques présidents — Macky Sall, Alassane Ouattara ou Bola Tinubu —, Issoufou se serait montré « louvoyant et embarrassé par la situation » selon des sources proches de l’ancien chef d’État.
Le respect de Tchiani envers Issoufou
Mais en cas de réussite du putsch, comme ce fut le cas, qu’avait Issoufou à y gagner ? « L’ancien président du Niger est aujourd’hui plongé dans une retraite forcée. Il a un temps voulu prendre des fonctions dans une instance internationale ou créer une fondation, mais il est tombé dans l’oubli », rappelle un ancien proche de l’ex-président nigérien. Lors de la transition au Niger, il pourrait donc jouer un rôle, celui du « sage » chargé d’arrondir les angles entre la junte militaire et la Cedeao.
S’il est aujourd’hui sorti du silence pour condamner le putsch, les relations d’Issoufou avec Bazoum et son entourage se seraient dégradées ces derniers mois. Issoufou ne prendrait plus au téléphone certaines personnalités influentes du pays et, lorsqu’il est obligé de le faire, aurait raccourci ses conversations à leur plus simple substance.
Issoufou est aujourd’hui toujours influent. Surtout, le général désormais à la tête du pays le respecte énormément. L’ancien président, lui, continue d’avoir un avis sur la situation, qu’elle soit sécuritaire ou économique. Et force est de constater que Mohamed Bazoum n’a pas réussi à tenir le cap. De quoi, donc, laisser penser qu’entre les deux hommes, la lune de miel a rapidement pris fin.
Reste désormais à savoir quel rôle Issoufou jouera dans son pays. Peut-il revenir dans l’arène politique ? Si sa sortie médiatique n’est pas mal prise par les militaires, l’ancien président pourrait effectivement être le civil qui manquerait à la transition.