Botswana, Afrique du Sud, Lesotho, Angola, Tanzanie… De nombreux pays de la SADC, ainsi que le Rwanda, participent à la lutte antiterroriste au Mozambique. Qu’est-ce qui se joue à Cabo Delgado ?
Il n’aura fallu que vingt jours entre la signature d’un accord par les dirigeants des pays d’Afrique australe et le déploiement militaire des pays de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) dans la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. C’est à une vitesse impressionnante que les troupes ont rejoint les militaires rwandais déjà présents sur place.
Certes, on pourrait résumer l’intervention des alliés de Filipe Nyusi à une simple opération de protection des ressources gazières mozambicaines, indispensables pour la région. Mais l’enjeu est également sécuritaire : la région de Cabo Delgado, dans le nord du pays, menaçait de devenir un nouveau point de ralliement pour les groupes armés en Afrique. De quoi nécessiter une intervention internationale rapide.
Pourtant, selon l’Organisation des Nations unies, le conflit de Cabo Delgado n’est rien de plus qu’une insurrection. Mais pour les Etats européens, les Etats-Unis et Filipe Nyusi, président du Mozambique, il s’agit d’une guerre contre le terrorisme global. Bien que la relation entre les Forces démocratiques alliées (ADF) et l’Etat Islamique ne soit toujours pas prouvée, le Mozambique estime qu’il fallait une intervention d’envergure pour mettre un terme à une crise humanitaire qui dure depuis octobre 2017.
Le déploiement rwandais galvanise les troupes
Contre les ADF, les Shebabs et les autres groupes armés de la région, les forces armées mozambicaines, les soldats de la SADC — qui s’organisent encore — et les troupes rwandaises avancent à grands pas. Le Lesotho a été le dernier pays à fournir des troupes à la mission de la SADC au Mozambique, qui a été officiellement lancée lundi alors que les forces rwandaises et mozambicaines reprenaient déjà plusieurs villes stratégiques aux groupes armés. L’Angola a annoncé le mois dernier qu’il déploierait 20 officiers et un avion de transport à Cabo Delgado dans le cadre de la mission de la SADC, en soutien de l’Afrique du Sud.
Pour Filipe Nyusi, cependant, l’acteur-clé de l’intervention à Cabo Delgado reste le Rwanda. « Nous réaffirmons notre engagement commun à lutter contre l’extrémisme violent avec les forces rwandaises », a déclaré lundi le chef de l’Etat. « Le contrôle de la ville de Mocimboa da Praia et le retour progressif du mouvement vers Palma sont le produit de la bravoure et des efforts concertés des forces dans le but de rétablir rapidement la stabilité dans la région », poursuit le président du Mozambique, qui félicite également le travail de ses troupes.
Qui profitera des ressources gazières de Cabo Delgado ?
Lors du lancement de la mission de la SADC, la SAMIM, lundi, le général de division Xolani Mankayi, de l’armée sud-africaine, a déclaré que « la mission ferait tout son possible pour rétablir la paix dans la région ». « Il faut faciliter la création d’un environnement sécurisé, pour garantir que l’autorité de l’Etat contrôle totalement les zones touchées à Cabo Delgado et qu’une vie normale puisse reprendre », annonce-t-il. Un jour plus tôt, les forces rwandaises annonçaient que Mocimboa da Praia, un bastion majeur de l’insurrection depuis plus de deux ans, avait été repris par les forces de sécurité rwandaises et mozambicaines. Une victoire stratégique, l’aéroport de la région se trouvant dans cette ville.
Les ADF et les Shebabs aux abois, la pacification de Cabo Delgado ne semble plus être qu’une question de semaines. Si l’accord de déploiement de la SADC a été tardif, l’exécution rapide de celui-ci permet au Mozambique d’être optimiste. Reste cependant une question : qui bénéficiera du butin de guerre. Avec cinq pays au sein de la SAMIM, ainsi que le Rwanda, il n’y aura pas de place pour tout le monde. Paul Kagame s’est déjà positionné. Proche de Nyusi, il a déjà signé plusieurs contrats avec son homologue. Mais quid de l’Afrique du Sud, dont les paramilitaires sont empêtrés à Cabo Delgado depuis 2017 ? D’ores et déjà, chaque pays lorgne sur les ressources gazières mozambicaines.