La ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, qui dirige la mission de la Cedeao en Guinée, a demandé aux chefs d’Etat du bloc de prendre des « décisions sérieuses » en Guinée et d’être vigilants face aux régimes autocrates.
Au lendemain du coup d’Etat d’Amady Doumbouya en Guinée le 5 septembre, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a condamné le putsch. Le 8 septembre, lors d’une première réunion virtuelle des chefs d’Etat de la Cedeao, ceux-ci ont réitéré cette condamnation et exigé la libération du président déchu Alpha Condé.
Le 10 septembre, une mission de la Cedeao, composée des ministres des Affaires étrangères du Ghana, du Nigéria, du Burkina Faso et du Togo, ainsi que de Jean-Claude Kassi Brou, président de la commission de la Cedeao, s’était déplacée à Conakry.
Ce jeudi, moins d’une semaine plus tard, la mission présentera ses recommandations en présence des chefs d’Etat de la Cedeao. Ces derniers, présents physiquement à Accra pour certains, décideront des mesures à prendre pour « le retour à l’ordre constitutionnel » demandé dans le communiqué de l’instance.
Sanctions économiques en vue
A la suite de la rencontre de la mission de la Cedeao avec le chef de la junte guinéenne, Mamady Doumbouya, plusieurs questions restent en suspens. Notamment la durée de la transition. Doumbouya, qui a débuté une série de réunions avec opposition, syndicats et hommes d’affaires, « n’a pas été en mesure de dire combien de temps il faudrait » pour un retour à un pouvoir civil en Guinée. La ministre ghanéenne des Affaires étrangères, Shirley Ayorkor Botchwey, indique par ailleurs que « la junte a fixé certaines conditions pour libérer le président déchu », Alpha Condé, sans préciser quelles sont ces conditions.
D’un autre côté, Alpha Condé aurait déclaré, selon ses gardes, qu’il « préfèrerait mourir que de quitter la Guinée ». S’il est vrai que certains dirigeants de la Cedeao — le président ivoirien Alassane Ouattara en premier lieu — voudraient voir leur ex-homologue libéré et pourraient même proposer de l’accueillir, cela semble de moins en moins probable, Alpha Condé refusant de coopérer. La mission de la Cedeao, tout comme celle de l’ONU qui l’a suivie, précise cependant que l’ex-président est relativement bien traité.
« Alpha Condé dispose d’une chambre, d’un salon et d’une salle de bain, mais n’a accès ni à ses téléphones, ni à la radio. La télévision, qu’il a un temps pu regarder, lui a été retirée car, selon ses gardiens, ‘il s’énerve chaque fois qu’il voit le lieutenant-colonel Doumbouya à l’écran et cela affecte son état de santé’ », rapporte ainsi RFI.
Après avoir, lors du premier sommet extraordinaire des dirigeants de la Cedeao, évoqué l’avenir d’Alpha Condé, la réunion de ce jeudi abordera les éventuelles sanctions imposées contre les nouveaux dirigeants de Conakry. Rappelons que, pour le moment, la Cedeao a simplement suspendu la Guinée de ses instances. Néanmoins, face à la résignation de l’ONU à « accompagner la transition en Guinée » et avec un Alpha Condé qui ne coopère pas, la Cedeao risque bien de lancer une nouvelle série de recommandations pour le moins timides.
Mon départ ce mercredi 15 Septembre 2021 sur Accra pour assister au sommet de la @ecowas_cedeao. pic.twitter.com/TWv7hlELPr
— Umaro Sissoco Embaló (@USEmbalo) September 15, 2021
Les modifications constitutionnelles en question
Interrogée par des journalistes quant à l’inefficacité de la Cedeao et quant au manque de courage de l’instance pour dénoncer le troisième mandat d’Alpha Condé, Shirley Ayorkor Botchwey a indiqué que la Cedeao s’efforçait désormais de modifier les règles pour éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir. « Il est nécessaire de modifier la charte de la Cedeao pour avoir des mesures plus strictes pour traiter de manière proactive les situations où les présidents tentent de modifier les constitutions pour rester au pouvoir », a-t-elle déclaré.
Cette déclaration de la diplomate ghanéenne risque de faire des mécontents. Surtout alors que les présidents togolais et ivoirien, Faure Gnassingbé et Alassane Ouattara, font partie des dirigeants les plus influents au sein de la Cedeao. Les deux chefs de l’Etat défendent machinalement les intérêts français au sein de l’instance. Et malgré que Gnassingbé et Ouattara demeurent les derniers présidents de la Cedeao à conduire des mandats inconstitutionnels et viser une « présidence à vie », le Togo et la Côte d’Ivoire ont eu la part du lion dans les retours sur les Eurobonds cette année, et ne se voient refuser aucun caprice par la BCEAO. Le débat est toutefois inévitable : les chutes de Yahya Jammeh, d’Ibrahim Boubacar Keïta et de son successeur Bah Ndaw, et plus récemment d’Alpha Condé, traduisent clairement un rejet total des populations ouest-africaines pour les présidences « à vie ».
Parmi ses soutiens sur ce point, la Cedeao devrait probablement pouvoir compter sur le soutien du président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoko Embaló, qui s’est déplacé personnellement le 15 septembre à Accra. Sans oublier le président du Libéria, George Weah, qui a appelé ses homologues à tenter d’empêcher les changements de constitutions.
3ème mandat-Coup d’état
George Weah enfonce le clou et interpelle la @ecowas_cedeao sur les changements anticonstitutionnels.
Weah, a fait remarquer que le bidouillage des constitutions par les Chefs d’Etat voraces explique la fréquence des coups d’Etat militaires en Afrique. pic.twitter.com/IMEjo7HAfW— Farafina Wamy (@FarafinaW) September 11, 2021