Lors du sommet de la coalition anti-Daech, tenu hier à Rome, les chefs de la diplomatie italienne et américaine, co-présidant la réunion, ont appelé à ce que l’assemblée considère une intervention militaire en Afrique.
Après Barkhane et Takuba, le déploiement en cours de l’EUBG et celui imminent de l’OTAN, c’est maintenant la coalition anti-Daech qui regarde vers l’Afrique. En effet, c’est la première fois que la réunion de cette coalition parle de l’Afrique. C’était d’ailleurs à la suite de l’appel du secrétaire d’Etat américain Antony Blinken et le ministre des Affaires Etrangères italien, Luigi di Maio, que le sujet a été abordé.
La réunion de la coalition anti-EI a rassemblé 41 ministres des Affaires Etrangères des 83 pays formant l’alliance militaire. Cette coalition a actuellement 47 000 soldats, dont plus de 8000 appartenant aux forces spéciales, 13 000 blindés et 600 avions de guerre en Irak et en Syrie. Il s’agit de la plus grande force de frappe sur le terrain au monde actuellement.
Depuis l’annonce du retrait progressif de Barkhane au Sahel, la France cherche à agrandir la force militaire antiterroriste Takuba. De son côté, l’EUBG a envoyé des centaines d’officiers majoritairement portugais au Mozambique et en RDC. Plus récemment, des contrats d’armement ont été signés entre les responsables de l’armée occidentale au Sahel et l’OTAN.
« On ne combat pas une organisation terroriste en utilisant une autre »
Dans un discours conjoint, Luigi Di Maio et Antony Blinken ont déclaré : « On craint que l’Etat Islamique reprenne des forces et intensifie ses attaques en Afrique ». Di Maio a affirmé : « Avec le soutien des Etats-Unis et d’autres partenaires, j’ai proposé la création d’une task force en Afrique ».
Puis, Blinken a rétorqué : « Nous devons augmenter la portée de l’intervention de la coalition (anti-Daech, donc). Nous ne devons pas opérer uniquement au Moyen-Orient mais aussi en Afrique ». Avant de continuer : « La coalition devrait concentrer son expertise sur l’Afrique, tout en gardant un œil attentif sur la Syrie et l’Irak ».
Au moins une vingtaine des diplomates présents est intervenue ensuite. Notamment, le ministre des Affaires Etrangères turc, Mevult Cavusoglu. Il a déclaré : « On ne combat pas une organisation terroriste en utilisant une autre ». Une déclaration choc, que Cavusoglu a dû détailler par la suite sur son compte Twitter. Où il affirme que ses propos concernaient la Syrie. La Russie a été représentée par son représentant au Conseil de sécurité de l’ONU, Vassili Nebenzia, qui ne s’est pas exprimé sur les déclarations de Blinken.
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg a dit : « L’intervention européenne au Sahel et dans le Bassin du Tchad est insuffisante. L’Etat Islamique est en train de gagner du terrain en Afrique ». Du côté africain, trois pays ont participé pour la première fois aux réunions de la coalition anti-Daech. A savoir le Ghana, le Mozambique et le Burkina Faso. Les trois Etats ne font pas partie de la coalition qui comprend 83 pays, dont 9 pays africains.
Je suis à #Rome pour participer à la réunion ministérielle de la Coalition mondiale contre #Daech afin de discuter des efforts pour faire face à l'organisation #terroriste particulièrement en #Afrique.#OneMissionManyNations #Guinée #Kibaro pic.twitter.com/IUtrndyhZJ
— Ibrahima Khalil Kaba, PhD (@khalilkaba) June 28, 2021
Un retour de l’économie de la guerre en Afrique au XIe siècle ?
L’inclusion de la menace terroriste en Afrique à la réunion de la coalition internationale anti-Daech n’est pas fortuite. En effet, elle prend acte de l’ambition du président français Emmanuel Macron « d’internationaliser la lutte antiterroriste en Afrique ». Force est de constater que plus ça va, plus les intervenants sont Occidentaux, et moins il y a d’Africains qui donnent leur avis.
Ensuite, l’initiative de Di Maio et de Blinken ressemble beaucoup à une tentative de redéployer des troupes en cours de retrait. En effet, Daech est presque battu en Syrie, et les Etats-Unis ont retiré plus de la moitié de leurs troupes en Irak. A l’image du retrait de l’OTAN en Afghanistan, la coalition moyen-orientale penserait-elle rebondir sur l’Afrique pour continuer sa guerre ?
Une théorie plus que probable. Les armées occidentales se font chasser de la Syrie, de l’Arctique, de la Mer rouge, de la Centrafrique, de la Corne de l’Afrique et du Mali par la Russie, la Turquie ou simplement par les révoltes populaires. Pourtant, les appels incessants de l’Etat français pour des renforts au Sahel représentent une opportunité pour l’économie de guerre.
D’abord, le concept « d’économie de guerre » est né dans les années 1960, en Afrique, avec la guerre froide. Ensuite, l’industrie d’armement occidentale et les mercenaires européens, américains et afrikaners ont prospéré en Afrique. Jusqu’à la fin des années 1990. Les guerres civiles provoquées et les assassinats des figures anticoloniales font partie des conséquences de l’économie de guerre.
En tout cas, multiplier les parties bellicistes en Afrique serait une mauvaise nouvelle pour les régions menacées par le terrorisme. Le Mozambique, l’Est congolais, le Bassin du Tchad et le Sahel ont besoin d’infrastructure, de développement et d’éducation. Pas de plus d’armes et de soldats.
En Afrique de l’Ouest, et au #Sahel, la menace terroriste impose notre mobilisation collective dans le cadre de la Coalition pour le Sahel. Elle pourra bénéficier de l’expertise additionnelle de la Coalition contre Daech dans les prochains mois.
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— France Diplomatie🇫🇷 (@francediplo) June 4, 2020