Alors que le Tchad doit déjà gérer la menace terroriste sur son propre territoire, le pays va augmenter son contingent de soldats dans la « zone des trois frontières ». Une façon de soutenir la France, en échec dans la région.
Le Tchad pourra au moins se targuer d’être un parangon de sacrifice pour ses alliés régionaux, et surtout européens. En tenant sa promesse d’apporter des renforts aux troupes antiterroristes déjà présentes dans la « zone des trois frontières », ce pays va enlever une belle épine du pied à la France d’Emmanuel Macron, en situation d’échec dans la région. Lui-même en proie aux terroristes de l’Etat Islamique et de Boko Haram, le Tchad d’Idriss Déby a annoncé, cette semaine après la fin de la première journée du sommet G5 Sahel, l’envoi de 1 200 soldats.
Un terrain impraticable
La région frontalière entre le Niger, le Mali et le Burkina Faso est le théâtre d’une longue guerre de l’armée française et de ses alliés internationaux et régionaux contre les groupes terroristes depuis plus d’une décennie maintenant. Tous les protagonistes du terrorisme africain et international y ont trouvé refuge : le GSIM, AQMI, Boko Haram, l’EIGS…
Plusieurs raisons expliquent ce choix. Tout d’abord, géographiquement, la région est non seulement bien positionnée, mais elle forme une forteresse naturelle grâce au terrain accidenté qui l’entoure. Ensuite, une vieille amitié lie les premiers chefs de ces groupes terroristes avec les villageois de la région. Cette amitié est en train de renaître à cause du sentiment d’abandon de cette population.
Les Etats concernés, particulièrement le Burkina Faso, ont été incapables de progresser en matière d’urbanisation et de développement économique dans la région. De plus, à chaque fois que les forces antiterroristes interviennent dans la zone des trois frontières, des civils se font tuer. Suffisant pour exaspérer les populations locales.
Les groupes terroristes, eux, sont investis dans la gestion des ressources naturelles de la région. Ils profitent, en échange, de la protection des groupes d’autodéfense installés par les populations elles-mêmes.
Aucune armée, les forces françaises inclues, n’a pu pénétrer et contrôler cette zone sous le joug des terroristes. L’implication tchadienne pourrait donc avoir des résultats désastreux, même avec le soutien logistique français. Le Tchad n’a même pas le contrôle de son propre territoire national, au centre duquel l’EIGS tient les mines d’or et attaque régulièrement autant les civils que les forces de l’ordre.
Le Tchad vers un sacrifice humain ?
Suite à l’entretien entre Idriss Déby Itno et Emmanuel Macron à l’Elysée le 18 janvier, le président tchadien a déclaré : « Nos échanges ont porté sur le raffermissement de la coopération bilatérale et les sujets d’intérêt commun. Je salue notre convergence de vues sur les stratégies de lutte contre le terrorisme ». Deux pays qui ont échoué dans le conflit contre le terrorisme, dont les vues stratégiques convergent…
De son côté, la France a négocié avec le Tchad en position de force. Les efforts diplomatiques français pourraient déterminer le sort de la dette nationale tchadienne, et le président Déby, au pouvoir depuis 30 ans, cherche à briguer un sixième mandat. L’élection présidentielle tchadienne aura lieu le 11 avril 2021. Et le soutien français au président en place pourrait être de bon augure pour Déby.
Un accord politique a-t-il été trouvé entre les deux chefs d’Etat ? Officiellement, le président du Tchad n’était à Paris « que » pour parler de la stratégie de lutte contre le terrorisme. Pour Déby, ce pari est risqué : envoyer des soldats mal entrainés et mal équipés peut s’avérer catastrophique. La logistique militaire française de l’Opération Barkhane a d’ailleurs été la cause du décès de nombreux soldats français et de dizaines de milliers de civils nigériens, maliens et burkinabé.
Le Tchad sera l’Etat africain le plus représenté dans la guerre contre les groupes terroristes au cœur de la bande sahélo-saharienne, avec plus de 1 550 soldats au total. Mais à quel prix ?