Ce vendredi 5 mars, les candidats à la présidence de la Confédération africaine de football sont tombés d’accord pour que le Sud-Africain Motsepe soit élu, la semaine prochaine, à la tête de l’instance. On est loin du scrutin démocratique promis.
A quoi bon voter si les jeux sont faits ? Le 12 mars prochain, les dirigeants des fédérations nationales africaines choisiront le président de la Confédération africaine de football (CAF). Un scrutin qui s’est déjà joué, grâce à des petits arrangements entre « amis », ces dernières semaines. En effet, à Rabat, au Maroc, les postulants à la présidence de l’instance africaine se sont réunis début mars, après avoir été convoqués par Fouzi Lekjaa, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), qui agissait clairement pour les intérêts du patron de la FIFA, Gianni Infantino. Objectif : persuader tout ce beau monde que Patrice Motsepe, le Sud-Africain, devait être élu le 12 mars.
Motsepe doit servir les intérêts d’Infantino
Motsepe est le candidat idéal pour Infantino : l’homme d’affaires et président du club du Mamelodi Sundows FC ne pourra se consacrer à 100 % à la CAF et aura besoin de l’appui du patron de la FIFA pour avancer. Mais le Sud-Africain, l’un des moins expérimentés des postulants au poste de chef de la CAF, servira surtout de rampe de lancement à Infantino pour 2023 : lorsqu’il s’agira d’élire le futur président de la FIFA, nul doute que l’Italo-Suisse pourra compter sur la majorité des 54 voix africaines grâce aux consignes de vote de Motsepe, qui n’oubliera pas de sitôt par qui il a été propulsé président de la CAF.
Le volet africain de l’affaire serait donc plié : contre la promesse d’un poste de premier vice-président de la CAF pour le candidat sénégalais Augustin Senghor et de second vice-président pour le Mauritanien Ahmed Yahya, la FIFA a réussi à écarter deux postulants aux plus hautes fonctions et à affaiblir l’Ivoirien Jacques Anouma, qui s’est retrouvé seul contre tous. Un déni de démocratie en règle, très bien orchestré. Si le lobbying des différents pays était prévisible, rien ne laissait présager que le scrutin se déroulerait ainsi en coulisse, dans une guerre des égos qui s’est faite au détriment de la bataille des idées.
Un parachutage qui n’est pas dû au hasard
L’accord de principe trouvé entre les uns et les autres a choqué Jacques Anouma. Victime principale du consensus de Rabat, l’Ivoirien a, un temps, dénoncé les méthodes « pas trop démocratiques » des signataires de l’accord et de la FIFA. Anouma s’est dit « choqué » et a déploré qu’on mette « plus en avant une distribution de postes qu’un accord pour aller vers l’unité ». Si le candidat ivoirien, qui sera atteint par la limite d’âge lors du prochain scrutin, avait « l’impression qu’on a sacrifié l’Afrique sur l’autel des ambitions personnelles », il a réussi à mettre ses convictions et ses rancœurs de côté contre un poste de conseiller du président de la CAF.
Le déni de démocratie organisé par la FIFA est une réussite pour Infantino, qui avait un objectif clair : imposer Patrice Motsepe à la présidence de la CAF. Un parachutage en règle qui pose de nombreuses questions : pourquoi le Sud-Africain plutôt qu’un autre ? Les protagonistes se sont en tout cas retrouvés hier à Nouakchott, en Mauritanie, pour la finale de la CAN U20. Mais il n’était pas question de football, plutôt de politique. Tous ont paraphé le fameux accord de Rabat.
⚽ La deadline pour ratifier l’accord de Rabat était ce 5 mars. Les candidats Yahya, Senghor et Anouma ont accepté de se ranger derrière le Sud-Africain Motsepe qui devrait donc être candidat unique à la présidence de la CAF et élu par acclamations. #ThisIsAfrica
— Mansour Loum (@Mansour_Loum) March 5, 2021
Selon plusieurs sources, tous les candidats ont en effet accepté de se ranger derrière Patrice Motsepe. Et donc de suivre l’avis du président de la FIFA. Une poursuite de la mise sous tutelle dont les dirigeants africains ne semblent pas vouloir se débarrasser. Motsepe, lui, attend de la part de Gianni Infantino qu’il respecte ce qu’il lui a promis. Le président de la FIFA se serait engagé à ce que son club de Mamelodi Sundowns fasse partie de la liste des équipes participant à la future Ligue africaine, le club très fermé des vingt meilleurs clubs du continent imaginé par la FIFA.
Promesses contre promesses
Mais en échange de cette proposition financièrement très attractive, le Sud-Africain devra lâcher du lest. Il devra notamment accepter de changer la périodicité de la Coupe d’Afrique des Nations, comme l’a recommandé Infantino. Motsepe n’aura cependant pas le droit à l’erreur : en cas de faux-pas, il finira certainement comme Ahmad Ahmad, lâché par la FIFA après ses déboires financiers. De son côté, Gianni Infantino a fait le job : la présidence de la CAF promise au Sud-Africain, l’Italo-Suisse peut désormais se concentrer sur la Confédération asiatique de football. Le président de cette dernière, Salman bin Ibrahim Al Khalifa, s’était opposé à Infantino lors de la dernière élection présidentielle de la FIFA. Avec 46 voix, l’Asie est le nouvel eldorado d’Infantino qui peut être soulagé : pour les trois prochaines années, il a, avec Motsepe, la CAF dans la poche.