La Tunisie enregistre le plus haut taux de mortalité en Afrique, après une résurgence de la Covid-19. L’Etat est dépassé et les Tunisiens résidant à l’étranger sont sollicités pour faire des dons.
Avec plus de 100 morts par jour pour moins de 12 millions d’habitants, la Tunisie enregistre le taux de mortalité le plus élevé dans le monde arabe, mais aussi sur le continent africain. De quoi inquiéter l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce mardi, Yves Souteyrand, le représentant de l’organisation à Tunis, a assuré que « la Tunisie a besoin d’aide » pour s’en sortir. L’OMS rappelle que le pays est plongé dans une situation catastrophique, tous « les indicateurs étant au rouge » : après des résultats encourageants entre mars et août 2020 — la Tunisie n’avait alors enregistré qu’une cinquantaine de morts —, le nombre de décès est désormais évalué à plus de 16 000 décès. Un chiffre qui frôle, ces derniers jours, les 200 décès quotidiens.
Seul point positif, selon l’OMS : « La Tunisie est plus transparente dans ses données que beaucoup d’autres pays ». Mais cela prouve surtout que « le nombre de décès rapporté par la Tunisie est sans doute plus proche de la réalité ». Préoccupée, l’Organisation mondiale de la santé estime par ailleurs que « le variant Delta, qui est très contagieux, est très présent » dans le pays. Plusieurs personnalités politiques, parmi lesquelles Hichem Mechichi, le chef du gouvernement, ou le leader islamiste Rached Ghannouchi, ont même été testées positives au coronavirus.
Le dilemme entre mesures sanitaires et sauvetage de l’économie
Pour le moment, les Tunisiens ne sont pas égaux face à la situation sanitaire : le virus touche particulièrement les régions de Kairouan et Siliana dans le centre du pays, mais aussi de Béja dans le nord-ouest. Désormais, les autorités locales s’inquiètent de la progression de la Covid-19 dans les gouvernorats de Tataouine et de Kasserine.
Comment la Tunisie a-t-elle pu en arriver là ? En mars 2020, le gouvernement avait pris des mesures sanitaires strictes : port du masque obligatoire, couvre-feu puis confinement. L’OMS admet que ces mesures ont eu « un impact économique et social extrêmement élevé ». Mais l’organisation déplore que les autorités aient ensuite eu à gérer « un équilibre entre la réponse sanitaire et la réponse socio-économique ». Car ces derniers mois, les mesures sanitaires ne sont plus respectées : le masque a disparu des visages tunisiens et seul un couvre-feu a été imposé, là où le confinement aurait pu être la solution.
Et l’OMS n’est guère optimiste. Tout d’abord parce que la campagne de vaccination a pris beaucoup de retard. Or, « le variant Delta se propage d’une manière large aujourd’hui, on peut penser qu’on n’est pas encore dans la phase de pic épidémique, on n’a pas encore atteint le sommet, ni en terme du nombre des cas ni en terme de décès », affirme le représentant de l’institution sanitaire.
Un système de santé aux abois
Il faut donc, selon lui, s’attendre à « des jours difficiles », rendus encore plus compliqués par la défaillance du système de santé tunisien. « Les ressources humaines qui travaillent dans les services Covid sont épuisées et en nombres insuffisants. Le manque de spécialités est particulièrement critique dans le système hospitalier public tunisien, notamment l’anesthésie et la réanimation », affirme Yves Souteyrand pour qui « le système n’est pas en mesure à répondre à l’importance de la demande de soins ».
Un autre problème de taille se pose à la Tunisie : le retour programmé de nombreux Tunisiens résidants à l’étranger (TRE). Le débat fait rage au sein des populations locales : faut-il interdire aux Tunisiens de venir revoir leurs familles cet été ? Même s’ils sont vaccinés, les voyageurs peuvent contracter le virus et le transmettre. Or, la Tunisie n’a pas les moyens de gérer de nouvelles contaminations, pourtant évitables.
L’OMS préconise la solidarité : la Tunisie, insiste l’organisation, « devrait être aidée, particulièrement en vaccins ». Le pays attend toujours des doses et des dons promis par la communauté internationale. Actuellement, à peine 11 % de la population tunisienne a reçu une dose de vaccin. Le 10 juillet dernier, l’ambassade de Tunisie en France a demandé à ses ressortissants d’effectuer des dons. Une collecte qui doit permettre à la Tunisie d’obtenir plus d’équipements médicaux.