Après le coup d’Etat au Burkina Faso, le procès des responsables du meurtre de Thomas Sankara a repris le 2 février. Le parquet a requis trente ans de prison contre l’ancien président Blaise Compaoré, entre autres.
Après une brève suspension due au récent coup d’Etat au Burkina Faso, le procès de l’assassinat de l’ancien président Thomas Sankara a repris le 2 février dernier. Et tout semble s’être accéléré. Moins d’une semaine après la reprise du procès, mardi 8 février, le procureur a formulé ses recommandations à la Cour militaire : trente ans de prison ferme pour l’ancien président burkinabé Blaise Compaoré et son commandant de garde Hyacinthe Kafando, tous les deux en fuite en Côte d’Ivoire. Le parquet a également requis vingt ans de prison contre Gilbert Diendéré, bras droit de Compaoré durant ses 27 ans au pouvoir. Diendéré purge déjà, de son côté, 20 ans de prison pour une tentative de coup d’Etat en 2015.
Le procureur a également requis des peines allant de trois et vingt ans de prison contre cinq membres du commando qui ont participé à l’assassinat de Sankara en 1987. Cependant, dans le cas des cinq autres accusés, le parquet a requis l’acquittement, pour des « faits non constitués » pour trois d’entre eux et pour prescription pour les deux derniers.
Blaise Compaoré protégé par Alassane Ouattara
Le procès, qui a démarré en octobre dernier, se poursuivra avec les plaidoiries des avocats de la défense. Pour l’avocat de Blaise Compaoré, Pierre-Olivier Sur, la procédure « ne vaut rien et sera dénoncée par les juridictions internationales ».
Selon l’avocat de l’ex-dictateur, successeur de Sankara, le coup d’Etat au Burkina Faso aurait vidé le procès de tout sens. Pourtant, ni le juge, ni le procureur n’ont été changés, et le procès n’a subi qu’une suspension de deux jours, le temps que la Constitution soit rétablie et que les tribunaux rouvrent.
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Mais, en réalité, c’est surtout la protection de Blaise Compaoré par la présidence ivoirienne qui risque d’éviter à l’ex-chef de l’Etat la prison. Et ce, malgré une éventuelle peine par contumace qui ne sera donc jamais appliquée.
Lors d’une interview datée de ce mercredi 16 février, le président ivoirien Alassane Ouattara a été interrogé sur une potentielle extradition de Blaise Compaoré et de Hyacinthe Kafando. « La Côte d’Ivoire est un pays d’hospitalité, nous considérons qu’ils sont chez eux en Côte d’Ivoire », a simplement déclaré Ouattara.
Et le chef d’Etat ivoirien de poursuivre : « J’avais entamé les démarches avec le président Kaboré pour le retour de Blaise Compaoré, je pense que tout cela se fera en temps opportun ». Autrement dit, pour lui aussi, le coup d’Etat est synonyme de coup d’arrêt des discussions.
Rebondissant sur l’erreur d’Alassane Ouattara, Hyacinthe Kafando n’étant pas officiellement exilé en Côte d’Ivoire, le président a été sommé de s’expliquer. « Vous savez, il y a cinq millions de Burkinabés en Côte d’Ivoire », a simplement botté en touche le chef de l’Etat ivoirien.
Concernant Gilbert Diendéré, et les cinq autres accusés visés par de potentielles peines de prison, la suite du procès ne devrait pas tarder. Et avec elle les jugements à leur encontre. En revanche, au vu de la situation politique au Burkina Faso, il est de plus en plus improbable de voir Compaoré et Kafando purger leurs peines dans un avenir proche.
De quoi mettre davantage en colère les familles de Sankara et des douze autres assassinés du 15 octobre 1987 qui déplorent, de plus, qu’aucun accusé majeur n’ait fini par avouer ses crimes ou ne se soit repenti. « Nous ne voulons pas une vengeance, nous demandons simplement justice », a déclaré Prosper Farama, l’avocat de la famille Sankara.