A une dizaine de jours du délai qu’il s’est lui-même fixé après avoir pris les pleins pouvoirs, le président tunisien Kaïs Saïed n’a toujours pas nommé de chef du gouvernement ni proposé de feuille de route.
Il est partout. Mais nulle part à la fois, diront ses détracteurs. Un passage remarqué au ministère du Commerce, lors duquel il a demandé des baisses sur les prix des produits alimentaires, une visite dans des centres de réfrigération de produits agricoles pour, a-t-il dit, en terminer avec « l’affamement » des populations ou encore une visite dans un centre de vaccination… Avec, toujours, le même mot d’ordre : « inopiné ». Kaïs Saïed, près de trois semaines après avoir pris les pleins pouvoirs, aime créer la surprise.
La recette du président de la République est cependant plus proche du coup de communication que de l’action politique : pendant que Kaïs Saïed multiplie les demandes choc, qui vont de la baisse des taux d’intérêt en vigueur dans les banques à la baisse du coût des produits alimentaires dans les supermarchés, le peuple attend avec une certaine lassitude son nouveau chef du gouvernement. De nombreux noms ont circulé. Et si le président a déjà nommé plusieurs ministres, pour le moment, aucun chef du gouvernement n’a investi la Kasba.
Kaïs Saïed avait pourtant promis de remplir le vide institutionnel en trente jours. Il ne lui en reste que dix pour trouver l’homme providentiel et voir ce qu’il fera d’une Assemblée des représentants du peuple à l’arrêt, mais pas dissoute. Une feuille de route est également attendue. Mais là encore, rien en vue.
La Tunisie peut-elle fonctionner sans chef du gouvernement ?
Près de trois semaines après la prise de pleins pouvoirs, Kaïs Saïed se limite donc à quelques discours, jugés populistes par une partie de la population qui estime que le président ne maîtrise pas la gestion des affaires publiques, à des interviews chocs lors desquelles il n’hésite pas à dézinguer l’Occident ou à des participations à des réunions, comme hier lorsqu’il a supervisé la réunion du Comité de lutte contre les catastrophes pendant laquelle il a déploré les coupures d’eau et les incendies en Tunisie.
Mais à force d’annonces, pas forcément suivies d’effets, et en n’effectuant qu’un premier nettoyage de façade, là où il a promis de faire payer 460 hommes d’affaires qui auraient spolié le pays, Kaïs Saïed doit se méfier de la fin de l’état de grâce et des comptes qu’il devra rendre dans une dizaine de jours. Après son coup de force du 25 juillet dernier, il avait bénéficié d’un soutien populaire important. Depuis, si le show de Kaïs Saïed tient toutes ses promesses, notamment à la télévision et dans la presse, nombreux sont ceux qui se demandent si le président de la République a vraiment un plan en tête ou s’il navigue à vue. Les avis divergent au sein de la classe politique.
Seules satisfactions de ces trois premières semaines sans chef du gouvernement et sans parlement pour les Tunisiens : la reprise du transport de phosphates, quelques révocations — sans explications pour la plupart —, et la campagne de vaccination contre la Covid-19 menée tambour battant. « Les institutions de l’Etat continuent de fonctionner normalement malgré des circonstances exceptionnelles », assure Kaïs Saïed dont l’objectif semble être, pour le moment, de montrer qu’un pays peut fonctionner sans Premier ministre et avec un « super président ». Reste désormais à transformer l’essai et à lancer les premières véritables réformes.