Une commission recueille, depuis deux ans, les témoignages de victimes du régime Jammeh en Gambie. En juillet, le président Barrow recevra un rapport complet.
Début 2020, Yahya Jammeh, exilé en Guinée équatoriale, faisait part de son désir de revenir dans son pays. L’ex-dictateur gambien s’appuyait sur les déclarations de l’Union africaine, de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest ou encore des Nations unies qui s’étaient toutes engagées à œuvrer avec le gouvernement gambien pour le respect de la sécurité et des droits de Yahya Jammeh. Parmi les points évoqués, un retour de l’ancien chef de l’Etat. Avec une question restée en suspens : Jammeh peut-il revenir au pays comme un simple citoyen et revivre une vie normale ? Ou doit-il être jugé pour ses actes ?
Fin 2019, la Commission Vérité, réconciliation et réparations (TRRC) a été mise en place. Celle-ci doit permettre de faire la lumière sur les plus de deux décennies du pouvoir de Jammeh. En recueillant des témoignages, il s’agit de savoir quels sont les crimes qui ont été commis pendant les 22 années de présidence du dictateur gambien.
Human Rights Watch a estimé que les témoignages recueillis devaient provoquer l’ouverture d’une enquête. L’ONG a, plusieurs fois, diffusé des vidéos de témoins. Et la TRRC a réuni des preuves des crimes présumés de Yahya Jammeh. « Grâce au travail de la commission et au courage des survivants, nous avons appris chaque jour plus d’éléments sur les horreurs et la brutalité que les Gambiens ont endurées pendant 22 ans », résume HRW.
Exécutions arbitraires et escadrons de la mort
Le mois dernier, le travail de recueil de témoignages a pris fin, après deux ans. En juillet, le rapport de la Commission Vérité, réconciliation et réparations doit être remis au président Adama Barrow. Les membres de la TRRC affirment vouloir dévoiler toute la vérité sur Jammeh, précisant qu’ils n’étaient pas « contre » le dictateur déchu.
Meurtres de journalistes, d’opposants ou escadrons de la mort, exécutions extrajudiciaires et intimidations… De nombreux griefs sont reprochés à l’ancien président Jammeh. Les auditions « ont mis en évidence la nécessité d’ouvrir une enquête pénale sur les agissements de Jammeh », affirme HRW qui ajoute que « la manière dont le gouvernement gambien répondra aux recommandations de la Commission devrait être une question clé lors des élections prévues en décembre 2021 ».
En décembre prochain aura en effet lieu le scrutin présidentiel. Face à Adama Barrow, une opposition qui pourrait bien se réclamer de Yahya Jammeh. L’occasion de se souvenir des actes commis par l’ancien président qui se définissait lui-même comme un autocrate. « Pour les Occidentaux, qui sont habitués à des chefs d’État africains qui ne sont que des béni-oui-oui, et ont la même indépendance que Mickey Mouse, je ne peux être qu’un dictateur. Donc oui, j’en suis fier ».
Après la mort d’un opposant détenu en prison, Jammeh avait été visé par la communauté internationale. A l’ONU, qui réclamait l’ouverture d’une enquête, il avait répondu : « Où est le problème ? Des gens qui meurent en détention ou durant des interrogatoires, c’est commun ! » Avant de demander au secrétaire général de l’organisation, Ban Ki-moon, et à Amnesty International « d’aller en enfer ».