Les relations entre la Chine et l’Afrique sont de plus en plus importantes pour comprendre les dynamiques qui façonnent notre monde. Mais jusqu’à présent, le rôle du sport a été négligé.
Un nouveau livre, Global China and the Global Game in Africa, explore le rôle du football dans les relations entre la Chine et l’Afrique, sur les plans culturel, politique et économique.
Wycliffe W. Njororai Simiyu nous a parlé de son chapitre dans le livre. Il s’agit d’une étude sur la migration des footballeurs africains, leur parcours dans la très populaire Super League chinoise et leur expérience dans ce pays.
Quelle est l’histoire des joueurs africains en Chine ?
Depuis l’arrêt Bosman en 1995, de plus en plus de footballeurs africains partent jouer à l’étranger. Cette décision de la Cour européenne de justice facilitait la libre circulation des travailleurs. Elle a déclenché une migration sportive à travers le monde, dont les joueurs africains ont été les principaux bénéficiaires.
Historiquement, les footballeurs africains en herbe cherchaient principalement des opportunités en Europe. Les ligues françaises, anglaises, belges, allemandes, espagnoles et portugaises étaient très prisées en raison de leurs liens coloniaux avec l’Afrique. Elles offraient des structures footballistiques bien établies et des salaires plus élevés. Le Moyen-Orient, les États-Unis et l’Asie du Sud-Est sont également devenus des options.
Cependant, la croissance économique soutenue de la Chine au cours des trois dernières décennies a contribué à un engagement mondial intense et multiforme, qui inclut le football. La Chinese Super League (CSL) a commencé à investir massivement pour attirer des talents internationaux. Elle est devenue une alternative viable et souvent lucrative pour les joueurs africains. Cela a coïncidé avec l’influence économique croissante de la Chine en Afrique.
Les joueurs africains sont recherchés pour leurs qualités physiques et leur vitesse. Et souvent, leurs exigences en matière de transfert et de salaire sont moins élevées que celles des joueurs européens ou sud-américains.
Quelles ont été les performances des joueurs africains ?
Entre 2006 et 2023, plus de 141 joueurs africains ont joué dans la Super League chinoise. Ils provenaient d’Afrique de l’Ouest (59,57 %), d’Afrique centrale (19,5 %), d’Afrique australe (10,64 %), d’Afrique du Nord (8,51 %) et d’Afrique de l’Est (2,13 %). Des études montrent que ces joueurs ont généralement obtenu de bons résultats et ont souvent apporté une contribution significative à leurs équipes. Les statistiques des matchs indiquent que de nombreux attaquants et milieux offensifs africains ont été des meneurs de jeu clés. Beaucoup se sont imposés comme les meilleurs buteurs du championnat.
Leurs qualités physiques donnent souvent un avantage aux footballeurs africains, et beaucoup se sont rapidement adaptés au style de jeu chinois. Les joueurs chinois, qui manquent souvent d’expérience internationale et sont limités sur le plan athlétique, ont tendance à s’appuyer sur leur finesse technique. Les joueurs étrangers apportent leur force athlétique, leur sens tactique et technique cosmopolite et leur intensité, qui rendent le championnat plus passionnant.
Les joueurs africains enrichissent considérablement le football chinois, tout comme ils l’ont fait pour le football européen. Ils ont élargi l’éventail des choix tactiques et des stratégies de jeu des équipes chinoises et, ce faisant, ont amélioré la qualité de la ligue.
Bien sûr, les performances peuvent varier considérablement en fonction des joueurs, des tactiques des équipes et du niveau général de la compétition à différents moments de la saison.
Quelles sont les expériences communes des joueurs en Chine ?
Les expériences des joueurs en Chinese Super League varient. Beaucoup apprécient les bons salaires et le haut niveau de compétition. Mais les barrières culturelles et linguistiques peuvent constituer des obstacles. Les joueurs africains doivent s’adapter à la nourriture et aux coutumes sociales chinoises. La langue et la communication au sein de l’équipe peuvent demander du temps et des efforts.
Certains joueurs ont également signalé des problèmes de racisme ou un sentiment d’isolement en raison de ces différences culturelles et de la nature temporaire de leurs contrats. Certains se sentent seuls. Des recherches sur la migration des footballeurs africains soulignent généralement que le processus d’intégration sociale et culturelle est essentiel au bien-être général et à la réussite des joueurs africains à l’étranger.
Comment le football s’inscrit-il dans les tendances de la migration de main-d’œuvre ?
Le sport, en particulier le football avec son attrait mondial et ses structures professionnelles, est un important moteur de mobilité dans le monde. La FIFA, en tant qu’instance dirigeante mondiale du football, facilite ces mouvements grâce à des règlements et des systèmes de transfert.
La mission de la FIFA est de faire du football un sport véritablement mondial. Mais les inégalités et les disparités freinent cette ambition.
Pour de nombreux hommes africains, le football professionnel est une chance pour l’ascension économique et la mobilité sociale. Ces opportunités sont souvent limitées dans leur pays d’origine en raison de contraintes économiques ou de l’absence de ligues professionnelles bien développées. Ainsi, la migration vers des ligues telles que la Super League chinoise est motivée à la fois par des facteurs répulsifs (opportunités limitées dans le pays d’origine) et des facteurs d’attraction (meilleures rémunérations et expériences professionnelles à l’étranger).
Quel est l’impact de tout cela sur l’image de la Chine en Afrique ?
La présence et les performances des joueurs africains dans la Super League chinoise peuvent contribuer au soft power et améliorent l’image de la Chine en Afrique. Le succès des athlètes africains en Chine peut créer un sentiment de connexion et de sympathie entre les deux régions.
Cela montre que la Chine est un acteur mondial dans le monde du football et peut être interprété comme un signe de liens croissants et d’engagement mutuel au-delà des sphères économiques et politiques. En plus d’être des joueurs, les footballeurs africains jouent le rôle d’ambassadeurs culturels pour leurs pays respectifs et pour le continent africain.
Au niveau des échanges entre les peuples, les joueurs africains interagissent avec leurs coéquipiers chinois, les fans et les communautés. Cela renforce et pérennise les échanges culturels et la compréhension mutuelle.
Cependant, je pense que, contrairement aux pays occidentaux où de nombreux anciens joueurs s’installent et fondent une famille, beaucoup d’Africains en Chine ne semblent pas considérer ce pays comme un endroit accueillant pour s’y installer.
Malgré tout, la présence de joueurs africains en Chine contribue à développer une plus grande familiarité et une plus grande affinité entre les peuples chinois et africains, avec la promesse d’une influence durable sur les plans social, économique et culturel.
Wycliffe W. Njororai Simiyu, Professor and Chair of Kinesiology and Health Science, Stephen F. Austin State University
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.